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ICC Award No. 3344, Clunet 1982, at 978 et seq.

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ICC Award No. 3344, Clunet 1982, at 978 et seq.
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978

Sentence rendue dans l'affaire nº 3344 en 1981.

Le Tribunal Arbitral, siégeant à Genève, était saisi d'un litige opposant deux entreprises publiques de pays arabes et découlant d'un contrat par lequel l'une d'entre elles, X, demanderesse, s'était engagée à approvisionner l'autre, Y, défenderesse, en pétrole brut de 1972 à 1974. Ce contrat était soumis au droit du pays du vendeur, proche du droit français. Les difficultés opposant les parties avaient trait à la fixation du prix contractuel.

En effet, « originairement conclu pour trois ans, le contrat fit l'objet de la part de X, à la fin de l'année 1973 de renégociations rendues nécessaires selon la demanderesse, par la hausse extrêmement rapide du pétrole brut sur le marché mondial et par la dévaluation concomittante du dollar par rapport aux autres devises. »

A l'issue de ces renégociations, le prix était fixé de la façon suivante pour 1974 :

« - Pour ce qui est du prix de base trimestriel du premier trimestre 1974, les parties convenaient expressément que le prix de base trimestriel applicable pendant le premier trimestre 1974 serait de US $ 12,50 le baril. Cependant les parties précisaient :

En ce qui concerne plus particulièrement la détermination du prix de base trimestriel applicable au premier trimestre 1974, nous avons été amenés, d'un commun accord, à prévoir dans le contrat un prix provisoire qui ne saurait être considéré comme définitif tant que l'Administration du pays de X n'aurait pas fait connaître à Y les éléments permettant de déterminer la charge fiscale applicable au titre du premier trimestre. Nous sommes convenus, en conséquence, que le prix de base trimestriel susvisé serait susceptible d'être, révisé en hausse ou en baisse, en fonction des dits éléments dès qu'ils seront connus et ce, avec effet au premier janvier 1974. »

- Pour le mois de mars et pour les trois derniers trimestres de l'année, X et Y convenaient d'un prix trimestriel variable, déterminable chaque mois en fonction de deux paramètres, soit :

a) « prix de base trimestriel » à déterminer 2 mois 1/2 à l'avance par consultation entre les parties ou à défaut par X à partir du prix arrêté par elle avec les autres acheteurs bénéficiant de contrats de longue durée.

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b) « coefficient correcteur mensuel » à déterminer chaque mois en fonction des variations du cours du dollar par rapport à six monnaies de référence.

Par ailleurs, X consentait après détermination du prix de vente définitif trimestriel (obtenu après multiplication du prix de base trimestriel par le « coefficient correcteur mensuel » à une réduction de 5 cents par rapport au prix de vente le plus bas pratiqué par la demanderesse avec ses autres clients.

En janvier 1974, l'administration du pays de X arrêta les dispositions fiscales applicables au premier trimestre 1974. X fit savoir à Y, par télex, quelques jours après, que l'ensemble de ses clients avait accepté un prix de US $ 14 pour le premier trimestre 1974 et qu'en conséquence il lui appliquerait un prix de US $ 13,95. Y ne répondit pas à ce télex, et après plusieurs relances indiqua qu'elle saisissait son administration de tutelle de cette proposition de prix, tout en priant X de continuer sa facturation à l'ancien prix. Y procéda alors à divers enlèvements de pétrole, qu'X factura à US $ 13,95 le baril et que Y paya sur une base de US $ 12,50 le baril.

Selon le contrat, des consultations auraient dû avoir lieu entre les parties entre le 15 et le 31 janvier 1974 en vue de fixer le prix applicable au second trimestre 1974. A la demande de X, ces consultations furent repoussées jusqu'au 15 mars 1974. Elles n'eurent cependant pas lieu, Y s'abstenant de participer aux réunions auxquelles elle était invitée. Aussi X fixa-t-elle unilatéralement le prix de vente pour le second trimestre 1974 à US $ 13,95, sans qu'Y ne réagisse autrement qu'en continuant à procéder à des enlèvements et à en payer le prix sur une base de US $ 12,50 le baril. Aussi X cessa-t-elle de procéder aux livraisons à partir de mai 1974 et introduit-elle une demande d'arbitrage pour obtenir le paiement du complément de prix qu'elle estimait dû.

[...]

Les positions des parties divergent essentiellement quant à la nature et à la portée de la clause de révision. Pour X, la publication des éléments permettant de déterminer la charge fiscale doit entraîner automatiquement la révision du prix provisoire, soit en hausse ou en baisse, ceci sans renégociation préalable avec l'acheteur. En effet, les mécanismes de détermination de prix prévus dans la lettre-accord nº 2 et l'avenant, complétés par la lettre d'engagement conduisent à la détermination du prix contractuel définitif de 13,95 US $.

Par contre, pour Y la clause de révision se limite à l'énoncé du seul droit à la révision, qui, sollicité par l'une ou l'autre des parties, doit ouvrir de nouvelles négociations ayant pour but 980 de fixer contractuellement le prix de base définitif. Faute de négociations ayant abouti à un nouvel accord, le prix fixé dans l'avenant doit être réputé définitif.

Ces raisonnements des parties, indépendamment des solutions auxquelles ils tendent, méconnaissent, l'un et l'autre, l'esprit des conventions conclues le ... de même que la portée de la lettre d'engagement, document entraînant l'obligation unilatérale pour X de consentir à l'acheteur une réduction de 5 cents sur le prix de vente le plus bas qu'elle aura arrêté avec ses autres clients.

Il est inexact, comme le prétend X, de conclure que la mise en œuvre des dispositions contractuelles, complétées par la lettre d'engagement, aboutit automatiquement à la fixation du prix du baril à 13,95 et que ce prix est opposable sans autre à l'acheteur.

Deux raisons s'opposent à pareil raisonnement.

a) La clause de révision, réservée expressément dans la lettre-accord nº 2, impose dans son principe le droit d'exiger une modification à la hausse ou à la baisse du prix provisoire. Mais contrairement à l'indexation, - qui doit comporter pour son application l'énoncé préalable des paramètres, de nature objective, dont le jeu entraîne automatiquement modification du résultat originaire et aboutit à la seule solution mathématique possible - la révision ne consacre que le droit à l'ouverture de nouvelles négociations.

Or il ne fait aucun doute que la clause de révision contenue dans la lettre-accord ne peut avoir la valeur d'une clause d'indexation, ceci en raison de l'absence de tous éléments ou paramètres objectifs préalablement déterminés.

[...]

Reste dès lors à examiner si le silence opposé par Y doit être compris comme une acceptation ou comme un refus de s'acquitter du prix de 13,95 US $ le baril, comme prix de base trimestriel et si la solution au problème posé est conforme au principe de l'équité.

Dans ses écritures en réponse et en duplique, la société défenderesse a souligné à de nombreuses reprises qu'elle n'a jamais accepté de payer, au cours de ce premier trimestre, le baril de pétrole au prix de 13,95 US $. Bien au contraire, relève-t-elle, elle s'est toujours acquittée des factures émises par X au prix de 12,50 US $ le baril.

Contrairement à ce que prétend Y, cette attitude de l'acheteur ne peut être considérée comme une preuve de son refus. Avec raison X a relevé que l'action répétée d'une partie ne peut justifier la licéité de son action. Translation Certes, en dépit de la maxime "qui ne dit mot consent", le silence d'une partie ne peut être interprétée a priori comme une acceptation. Le silence pur et simple doit être au contraire compris dans le sens du refus. Tel est le principe consacré par la jurisprudence (dans ce sens et pour les citations de jurisprudence et de doctrine Carbonnier, Droit civil, éd. 1969, IV, 67). II en va cependant différemment dans certains cas particuliers 981 où le silence circonstancié peut valoir acceptation. Carbonnier, opus cité p. 56 relève que " la jurisprudence tient compte des relations d'affaires antérieures entre les parties pour considérer tacitement lié le commerçant qui, ayant reçu une commande ou une fourniture d'un correspondant habituel, n'a pas rapidement fait connaître son refus ".

Les longues relations contractuelles entretenues par les parties ne permettent pas de voir dans le simple silence de Y une abstention pure et simple.

Il s'agit au contraire d'un silence circonstancié, qui compte tenu des faits - notamment de la conclusion et de l'établissement des documents signés ... peut être considéré comme une acceptation tacite.

En effet, en contresignant la lettre-accord nº 2 Y a formellement accepté de considérer le montant de 12,50 US $ ... comme un prix provisoire, susceptible, d'être modifié à la hausse ou à la baisse. Il s'agissait là d'une situation particulière devant entraîner inéluctablement et à brève échéance une nouvelle fixation - à titre définitif - du prix de base du premier trimestre. X ayant fait connaître à Y le prix qu'elle entendait pratiquer, la société défenderesse se trouvait dans l'obligation de manifester sa volonté. N'ayant adressé aucune manifestation de volonté expresse, X était en droit de considérer le silence de Y comme une acceptation.

La demanderesse pouvait d'autant plus être légitimée à tirer pareille conclusion du silence de Y, que cette dernière procédait le 9 février 1974 à l'enlèvement de 202.781 TM, après avoir appris, par télex de X du 28 janvier 1974, que le prix réclamé pour le trimestre en cours était de 13,95 US $ le baril. Il en sera de même en mars. X ayant fait savoir à Y, éléments comptables à l'appui, que le prix de base contractuel était de 13,934 US $ le baril, la défenderesse ne procédera pas moins à l'enlèvement d'autres quantités de pétrole, sans pour autant tenir compte de l'application du coefficient correcteur mensuel prévu à l'avenant.

On pourrait dès lors considérer que la défenderesse par son silence et en procédant tout au long de ce premier trimestre à des enlèvements de quantités de pétrole importantes, a accepté le prix de 13,95 US $ le baril comme prix de base trimestriel pour le premier trimestre 1974.

[...]

983

[...]

Mais encore faut-il, pour que la responsabilité de X puisse être envisagée, que la preuve d'un préjudice soit administrée. Or, Translation Y n'a apporté aucune preuve du préjudice qu'elle allègue ni a fortiori du fait requis par la jurisprudence arbitrale internationale qu'elle avait pris toutes les mesures pour limiter son préjudice...

L'application des principes de l'amiable composition, dans la mesure où ils autorisent l'arbitre à se dégager des formes et des règles de la procédure, ne peut conduire à une solution différente. Translation En effet, le respect de cette règle de procédure, communément reçue dans les diverses législations nationales - selon laquelle chaque partie doit prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit - s'impose aux juges arbitres, sous peine d'arbitraire. »

Original It is true that in view of the maxime "a party that remains silent consents”, the silence of a party may not be interpreted a priori as acceptance. On the contrary, the sole fact that a party remains silent must be understood as a refusal. This is the principle that has been sanctioned by doctrine .. a different reasoning applies, however, in certain particular cases where the circumstance lead to the conclusion that silence may be understood as acceptance. Carbonnier ... notes that "doctrine takes account of the previous practices between the parties in order to hold a merchant bound by a contract based on the sole fact of his silence when he receives an offer or a delivery by his trading partner and does not immediately make known his refusal to his counterpart.

Original Y has not rendered any proof for the fact hat it has suffered a damage nor, a fortiori, for the fact generally acknowledged by international arbitral case law that it has taken all steps necessary to limit its damage.

Original In fact, respect for this rule of procedure, generally acknowledged in the various domestic legal systems according to which every party must prove the facts which it alleges and from which it imposes itself upon judges and arbitrators without being arbitrary.

Referring Principles
A project of CENTRAL, University of Cologne.