Le tribunal arbitral, siégeant à Genève, était appelé à tirer les conséquences juridiques du fonctionnement, dit non satisfaisant, d'une usine construite par un groupe multinational A dans un pays en voie de développement B. Les
Parmi les premières difficultés rencontrées par les arbitres se trouvait celle de savoir si les contrats précités et singulièrement la clause d'arbitrage qu'ils contenaient étaient opposables à leurs seuls signataires, ou plus généralement à l'ensemble du groupe A qui en avait assumé l'exécution grâce à l'intervention des différentes sociétés qui le composaient, selon une répartition établie en fonction de critères plus techniques que juridiques. Dans le même esprit, c'est à partir d'une conception économique de la notion de groupe de sociétés que le tribunal arbitral estima devoir résoudre le problème:
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Il est significatif que, dans ces divers contrats, la désignation des parties (non ressortissantes de l'Etat B), ait été faite avec une grande souplesse et une nette absence de formalisme, voire de cohérence.
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Il serait contraire à tout principe d'interprétation raisonnable, à la volonté commune des parties et à l'esprit de toute l'opération que d'attacher une importance prépondérante à la lettre de telle ou telle de ces rédactions, et aux variations ou même incohérences des formules utilisées dans les divers contrats.
Manifestement, la partie...(de l'Etat B) a voulu traiter et a en fait traité avec le Groupe ou l'Organisation A, représenté par son Président M.A. et celui-ci s'est comporté tout au long de la conclusion des accords nécessités par l'opération comme ce qu'il était en fait soit le dirigeant responsable et l'animateur de ce grand groupe industriel. La correspondance produite au dossier, d'un côté ou de l'autre, confirme indiscutablement l'interprétation qui ressort de l'examen de l'ensemble des accords.
Ainsi qu'il est fréquent dans les accords industriels internationaux de cette envergure, le pays (ou la société nationale) qui entend acquérir et faire installer sur son sol une nouvelle usine ou un ensemble industriel traite avec un groupe, ou avec une grande société "multinationale" qui, pour des raisons d'organisation ou d'opportunité internes au groupe, confiera l'exécution de l'opération à une ou plusieurs sociétés filiales, existantes ou à créer "ad hoc". D'une manière générale, le cocontractant n'a pas d'intérêt direct et ne songe pas à s'immiscer dans ces questions d'organisation interne du groupe, pour autant que celui-ci lui garantisse, par des clauses appropriées, la bonne exécution des obligations assumées.
Il n'en a pas été différemment dans la présente espèce où le réseau d'accords qui ont été successivement conclus pour réaliser l'opération de ... met en présence, d'un coté une partie ... (de l'Etat B), soit la ... (Société étatique) ainsi que, explicitement, directement ou non, l'Etat B, et de l'autre côté le groupe industriel A incarné par son chef et animateur M.A. La souplesse déjà mentionnée, ou les variations dans le choix ou la désignation des sociétés du groupe qui ont été appelées à intervenir pour l'exécution de l'opération démontrent bien que, pour toutes les
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Bien qu'au cours de la procédure un accord de fait se soit établi entre les parties pour que le litige trouve ses solutions dans le droit français, le tribunal arbitral considéra qu'il se devait néanmoins de vérifier le bien-fondé de l'application de ce droit « a la lumière des principes généralement reconnus en matière de conflit de lois ».
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Pour déterminer le droit applicable et, en particulier, la mesure dans laquelle effet devra être reconnu à cet égard à la volonté expresse ou tacite des parties contractantes, le tribunal arbitral s'inspirera des principes généralement reconnus en matière de conflit de lois, qui coïncident d'ailleurs ici à l'évidence avec les règles de droit international privé en vigueur tant à Genève, siège de l'arbitrage selon l'acte de mission signé par les parties, que dans les autres pays en contact avec la présente espèce.
[...]
En l'absence d'une clause dans le contrat qui choisisse expressément un droit (autre que celui de l'Etat B) ou qui tente de « geler » ou de fixer la loi (de l'Etat B) applicable à la
Les déclarations des parties faites au cours de la présente procédure confirment nettement cette manière de voir. C'est ainsi que la (société étatique), dans ses conclusions du 12 août 1969, page 10, évoque la question du droit applicable et l'hésitation que l'on peut avoir, à son avis, entre le droit français et le droit (de l'Etat B), en ajoutant que "on réalité le problème n'a pas beaucoup d'importance, étant donné l'identité du droit français et du droit (de l'Etat B) en la matière"...
...Pour ces divers motifs et compte tenu de l'opinion concordante des parties, le tribunal arbitral considère que le droit français est le droit applicable aux relations entre les parties et, notamment, aux contrats des ... et ... »
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On aura noté plus haut que pour privilégier l'esprit de l'opération conçue par les parties par rapport à la lettre des contrats par elles conclues - ceci dans le but d'opposer l'accord d'arbitrage à l'ensemble des sociétés du groupe A - Translation
Ainsi, s'agissant d'une clause de limitation de responsabilité:
Plus loin, concernant la même clause:
« Il serait contraire à tous les principes d'interprétation communément admis de considérer, dans le doute, que des parties ont employé, dans un article, le même terme dans des sens aussi radicalement différents.»
De plus:
Cette prise de distance par rapport aux dispositions du droit national applicable - même si elle n'est parfois que de principe - se retrouve sur le terrain de l'administration de la preuve. La solution d'un des aspects du litige supposait que le tribunal arbitral se prononça sur le point de savoir si la capacité de production garantie au contrat avait été atteinte. C'est en vertu des principes ci-après que la preuve dut en être apportée.
« En présence des allégations contradictoires des parties, il y a lieu de rappeler à qui incombe, d'une façon générale, le fardeau de la preuve sur ce point, encore que la pratique arbitrale ne soit pas tenue à une application aussi stricte que certaines juridictions étatiques des règles applicables en matière de preuve. Translation Les deux parties ont au surplus l'obligation de collaborer selon le principe de la bonne foi, a l'administration de la preuve, tout particulièrement en matière arbitrale. »