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Le tribunal arbitral, siégeant à Paris, était saisi par une société française X d'une demande tendant au paiement par une société espagnole Y, première défenderesse, et sa société mère Z, deuxième défenderesse, incorporée aux Bahamas, de frais de préparation de soumissions en vue de l'exécution de travaux publics en Espagne. Pour justifier son recours à l'arbitrage, la demanderesse X se prévalait d'un protocole intervenu entre une société française W qui, à l'époque, la contrôlait, et la seconde défenderesse Z. En effet, ce protocole contenait une clause compromissoire prévoyant l'arbitrage de la C.C.I. Cependant, les parties défenderesses contestaient la compétence du tribunal arbitral. Elles estimaient que la clause compromissoire ne pouvait être invoquée par la demanderesse X ni opposée à la première défenderesse Y, l'une et l'autre n'étant pas parties au protocole conclu par leurs sociétés mères.
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Ayant ainsi repoussé l'application de tout droit national, le tribunal affirma ensuite sa compétence, en dépit de l'absence d'accord d'arbitrage entre les parties :
« Considérant que Y décline la compétence du tribunal arbitral en l'absence de clause compromissoire arrêtée entre elle et X ;
Que Z soutient que la demande arbitrale serait prématurée, étant donné que la responsabilité de Y devrait être établie préalablement à tout arbitrage ; qu'enfin Y et Z invoquent que l'arbitrage ne serait pas réalisable en l'absence de W qui devrait à tout le moins être appelée à la cause ;
Translation Considérant qu'en signant le 20 janvier 1969 le protocole litigieux, Z et W ont clairement stipulé tant pour elles-mêmes que pour leurs filiales respectives ;
Qu'ainsi la part assumée dans la soumission projetée par W, était réservée en sa totalité à « sa filiale X » (préliminaire de la Convention) ;
Que l'article trois du protocole intègre à la Convention la lettre du 12 juillet 1968 de Y à X suivant la mention "The letter of July 12 to X from Z's group will become ineffective", ce qui souligne l'appartenance de Y, auteur de cette lettre, au groupe Z.
Que le capital de la société de promotion à créer, devait être réparti entre Y et W Espanola et le remboursement des frais de préétude opéré à X ;
Considérant enfin qu'il est incontestable que Y faisait partie du groupe Z et X du groupe W ; que le concept de groupe se définit au-delà de l'indépendance formelle née de la création de personnes morales distincte, par l'unité d'orientation économique dépendant d'un pouvoir commun ;
Que le conseil des directeurs de la compagnie promotrice devait être composé de deux directeurs « pour compte de Y » et de deux directeurs « pour compte de W Espanola » ;
Considérant que les vice-présidents qualifiés pour la gestion de la compagnie étaient désignes respectivement "pour compte de Y" et "pour compte de W Espanola" ; que l'on peut en déduire que le protocole du 20 janvier 1969 forme un ensemble où chacune des sociétés dominantes et dominées des deux groupes se trouvent indissolublement liées et engagées ;
Qu'il serait inconcevable que de ces liens complexes de droit et d'obligations, le tribunal arbitral isole la disposition de l'article 9, et décide que celle-ci ne s'applique pas au présent procès ;
975Considérant dès lors, que W pourrait théoriquement se trouver présente au procès, mais qu'elle ne le peut pas cependant, car sans intérêt, il n'y a pas d'action ;
Que X n'appartient plus au groupe W ; qu'aucune demande n'est formée contre cette société et qu'enfin celle-ci dans une lettre du 20 mars 1975 déclare ne pas présenter de réclamation et n'avoir bénéficié d'aucun paiement ou avantage en exécution de l'accord constaté par les lettres des 12 et 23 juillet 1968 ; que ces différentes affirmations ne sont contredites par aucune des parties actuellement présentes à la procédure arbitrale ;
Que le tribunal arbitral est ainsi compétent. »
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Original In signing the disputed protocol of January 20, 1969, Z and W have clearly acted on behalf of themselves and for their respected subsidiaries.