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927[...] On notera tout d'abord que les arbitres n'appuient leur solution que sur les principes généraux du droit et les dispositions contractuelles. Aucune allusion n'est faite au droit suisse, applicable au contrat de par la volonté des parties. C'est là une démarche caractéristique des arbitres du commerce international qui ne se réfèrent pour ainsi dire jamais aux droits nationaux pour apprécier l'existence d'une force majeure mais à la règle générale selon laquelle un événement de force majeure est un événement imprévisible et irrésistible (Cf. entre autres sentence rendue dans l'affaire n° 2139 en 1974, infra, p. 929). On peut d'ailleurs se demander si les juridictions nationales procèdent vraiment différemment, en France tout au moins (Cf. par exemple Cass. civ. I, 17 oct. 1972, Rev. crit. dr. int. pr. 1973, 520, note H. Batiffol ; Clunet 1973, 716, note B. Oppetit).
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Plusieurs sentences ont permis de souligner que le devoir pour le créancier d'une obligation contractuelle de minimiser son préjudice, en cas d'inexécution de celle-ci, apparaît comme une règle matérielle anationale à laquelle les arbitres du commerce international sont particulièrement attachés (Cf. entre autres sentence rendue dans l'affaire n° 2216 en 1974, p. 917). La sentence ici rapportée ne constitue cependant pas seulement un nouvel exemple de ce principe bien établi. Elle en présente un cas d'application pratique qui tend à en étendre la portée. Généralement, c'est en nouant de nouvelles relations contractuelles que le contractant lésé est censé réduire son préjudice. Ici, c'est en acceptant une augmentation de prix proposée par le vendeur que l'acheteur aurait dû réduire ses pertes, car ceci lui aurait permis d'acquérir la quantité de carburant dont il avait besoin à un prix qui, quoique supérieur à celui du contrat, restait inférieur à ceux du marché. Les arbitres ajoutent que cette acceptation n'aurait pas été incompatible avec un éventuel recours à l'arbitrage pour obtenir ensuite le maintien du prix contractuel. Cette observation est d'importance. Elle semble introduire l'idée que l'acceptation d'une offre de modification de certaines dispositions contractuelles - telle une clause de prix - dans le seul souci de restreindre le préjudice qui découlerait inévitablement de l'interruption de l'exécution du contrat, pourrait être remise en cause ultérieurement par des arbitres pour avoir été faite sous929la contrainte. Bien entendu, il n'y aurait contrainte illégitime, justifiant l'annulation du nouvel accord, que si l'offre était réellement inacceptable, tant au regard des dispositions contractuelles (existence ou non d'une clause de réadaptation) qu'en raison de son contenu même, ceci sous le contrôle de l'arbitre. Mais seul l'avenir permettra de savoir si les arbitres du commerce international sont disposés à s'engager dans cette voie, compte tenu notamment d'un risque d'accroissement du nombre des litiges qui n'est pas à écarter.