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Ripert, Georges, Les Règles du Droit Civil Applicables aux Rapports Internationaux (Contribution à l'Etude des Principes Généraux du Droit Visés au Statut de la Cour Permanente de Justice Internationale), 44 Rec.Cours 1933-II, at 569 et seq.

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Ripert, Georges, Les Règles du Droit Civil Applicables aux Rapports Internationaux (Contribution à l'Etude des Principes Généraux du Droit Visés au Statut de la Cour Permanente de Justice Internationale), 44 Rec.Cours 1933-II, at 569 et seq.
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LES RÈGLES DU DROIT CIVIL APPLICABLES AUX RAPPORTS INTERNATIONAUX

(Contribution à l'étude des principes généraux du Droit visés au Statut de la Cour permanente de Justice internationale)

par Georges Ripert

INTRODUCTION

1. Le titre même de ce cours implique l'admission de l'idée qu'il y a lieu de faire intervenir dans les rapports internationaux certaines règles du droit civil. Nous nous proposons de rechercher quelles sont les règles applicables et non s'il y a des règles applicables, mais la recherche n'a été entreprise que dans la conviction où nous étions de la possibilité, de la nécessité même de cette application.

Si cette recherche n'aboutissait pas, il s'en dégagerait la conclusion que le problème a été mal posé. Alors même que l'on constaterait qu'aucune des règles du droit civil ne saurait convenir dans les rapports internationaux, cette étude n'en aurait pas moins été utile, car elle démontrerait la différence profonde de nature entre le droit civil et le droit international. Ceux qui en sont convaincus ne sauraient se contenter d'une simple affirmation de principe ; ils pourraient peut-être alors trouver dans cette étude des éléments de discussion.

Mais je me hâte de dire que la recherche n'a été entreprise que dans le ferme dessein de découvrir les règles applicables. Mes études sur le droit civil me permettent de croire que ce droit donne un certain nombre de principes qui dominent le droit tout entier, et je crois aussi que le droit 570 international ne peut se développer que s'il prête à ces principes une suffisante attention. Il a jusqu'ici emprunté au droit civil plus d'expressions juridiques techniques que de véritables règles. L'emprunt de la technique du droit privé n'a pas toujours été heureux. Il est possible que cette maladresse ait détourné un peu les internationalistes du droit civil. Qu'ils regardent plus profondément ; ils verront tout ce que ce droit peut leur donner.

[...]

[...]

588

CHAPITRE II - LE CONTRAT

17. Le droit positif détermine dans chaque pays les conditions dans lesquelles l'acte de volonté d'un sujet de droit peut créer, transformer ou éteindre le rapport juridique qui lie ce sujet à d'autres sujets de droit1. Mais il n'y a pas sur ce point de principes communs aux différentes législations positives. C'est ainsi que la déclaration unilatérale de volonté est consacrée par certaines législations comme créatrice de l'obligation, alors que d'autres n'attachent pas de valeur à l'offre non acceptée ou à la promesse faite au public. La manifestation de volonté n'est pas toujours assez claire ou profonde, et son utilité n'est pas toujours assez évidente pour que l'on puisse y attacher des effets juridiques.

C'est au contraire une règle fondamentale du droit reconnue par tous les peuples que le consentement réciproque de deux sujets de droit suffit à créer, à transformer ou à éteindre un rapport juridique. Cet échange de volontés, c'est le contrat. Toute liberté est, en principe, reconnue aux hommes pour contracter, et leur volonté est dite autonome en ce qu'elle crée la règle. Le Code civil français (art. 4134) exprime ce principe d'une façon particulièrement énergique : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de lois à ceux qui les ont faites. »

La doctrine de l'autonomie de la volonté développée par la philosophie du XVIIIe siècle et le libéralisme économique, renforcée par l'influence de la philosophie kantienne et de la doctrine individualiste, est philosophiquement discutable et paraît perdre du terrain aujourd'hui. On ne saurait assimiler 589à la loi le contrat qui tire sa force de la loi; ce serait mettre sur le même plan l'individuel et le social. Mais le principe de la liberté contractuelle et de la force obligatoire du contrat est indépendant du fondement philosophique qu'il trouve dans la théorie de l'autonomie de la volonté. La règle a existé bien avant que le système philosophique ait été élaboré, et elle survit au discrédit de ce système. Cette règle est aussi vieille que la civilisation. Ceux qui croient au droit naturel diront qu'elle est imposée par ce droit. Constatons simplement qu'elle existe. Chez tous les peuples et à toutes les époques, il a toujours été admis que quand deux hommes s'entendent pour se lier l'un à l'autre, d'une certaine façon, cette entente est obligatoire et doit être respectée.

18. La force obligatoire des conventions repose en effet sur deux idées essentielles. La première, c'est l'idée morale du respect de la parole donnée. Les enfants eux-mêmes s'indignent quand l'un d'eux ne tient pas sa parole. Sans doute, pour protéger la volonté et assurer la preuve, il a fallu pendant longtemps ne tenir compte que de la parole donnée dans certaines formes ; les Romains, à l'origine, ne connaissent pas le pacte nu. Mais même dans le contrat formaliste, l'élément volonté est au premier plan ; en tout cas, l'idée du contrat consensuel a été vite dégagée par le droit, et peu à peu sont tombés tous les obstacles qui s'opposaient à l'effet obligatoire de la parole donnée. Les canonistes ont beaucoup aidé à faire triompher cette idée qu'il faut respecter la foi jurée : pacta sunt servanda. Le monde civilisé a fait de cet adage une règle de morale commune et l'a intégré dans le système juridique.

L'autre idée, c'est que le respect de la parole donnée permet à chacun de compter sur l'avenir. Le contrat est prévision, les hommes ont besoin d'échanger leurs richesses et leurs services ; le troc n'est qu'un procédé élémentaire ; il faut pouvoir différer l'exécution ; on ne le pourra que si l'autorité publique fait respecter la convention et oblige les contractants à l'exécuter.

Dans l'économie moderne, le contrat a pris une importance que l'on pouvait à peine prévoir. Le commerce 590 suppose un réseau de contrats liant les hommes, non seulement dans un même pays, mais encore de pays à pays. On peut donc considérer comme un principe commun de tous les pays civilisés le principe de la force obligatoire des conventions privées.

19. Cette idée a depuis longtemps passé dans le droit international. « Le droit international, dit M. Anzilotti, se constitue par le moyen d'accords entre les Etats, qui tirent leur valeur obligatoire de la règle pacta sunt servanda. C'est là la norme première. »1

M. Anzilotti ajoute qu'il n'est pas possible de trouver une autre norme pour expliquer le caractère juridique de celle-là et que la science du droit doit la prendre comme une hypothèse ou un postulat indiscutable. Il nous paraît pourtant que ce principe n'a pas un fondement différent en droit international qu'en droit interne2 On admet dans la société des hommes qu'un sujet de droit peut abdiquer une partie de sa liberté et faire acte de soumission envers un autre. Si cette obéissance n'est pas contraire à l'organisation sociale, la loi lui donne force obligatoire et légalise le pouvoir du créancier sur le débiteur. Il faut admettre de même que, dans la société des Etats, la souveraineté est limitée et que chaque Etat peut limiter lui-même son indépendance en se liant aux autres Etats3 Ce n'est pas là abdiquer sa souveraineté, c'est l'exercer.

La force obligatoire du contrat est reconnue par la coutume internationale. Ainsi s'expliquent les traités, les compromis, les arbitrages, et ainsi s'explique également le respect par les arbitrages, et ainsi s'explique également le respect par les juridictions internationales de la valeur des contrats passés entre les Etats et les particuliers, par exemple les contrats d'emprunt4.

591

20. On ne saurait d'ailleurs se contenter de poser ce principe général du respect des contrats. Le droit positif détermine d'une façon précise comment naît la force obligatoire, comment elle s'exerce ou disparaît ; il décrit la naissance, la vile et la mort des obligations contractuelles. En donnant les règles à suivre, il respecte l'idée morale de justice, tout en reconnaissant parfois le sacrifice nécessaire de cet idéal à l'utilité pratique. Une technique juridique s'est ainsi créée. Elle était, en ce qui concerne les contrats, déjà très avancée dans le droit romain. Elle s'est encore perfectionnée dans le droit moderne au fur et à mesure que la disparition du formalisme a permis nu contrat d'être protéiforme. Ces règles techniques diffèrent d'ailleurs moins profondément dans les législations positives qu'on ne pourrait le croire ; la différence est souvent uniquement dans les termes ; des idées et des besoins semblables donnent les mêmes règles de fond. En tout cas, il est relativement facile d'écarter les règles de pure technique pour découvrir les principes qu'elles mettent en rouvre. On s'aperçoit alors que la similitude des principes est grande et que la sagesse des hommes s'est exprimée depuis longtemps sous la forme de règles ou d'adages reconnus partout comme vrais.

Le droit international ne peut dédaigner ces règles admises par les pays civilisés. Elles expriment un sentiment commun de la justice, elles répondent à la conception que les hommes se font de leurs rapports. Les internationalistes doivent puiser dans ce trésor juridique, et voici, à titre d'exemples seulement, quelques-unes des règles qu'ils peuvent y trouver.

I. - Formation du contrat.

24. Le contrat est échange de volontés, mais tout échange de volontés n'est pas contrat : il faut que les parties se proposent de créer entre elles un rapport d'obligation. Plus les hommes sont forcés de vivre dans la dépendance les uns des autres, plus ils sont forcés de contracter. Pour cette 592 raison aussi, les traités se multiplient dans la société internationale, au fur et à mesure que s'affirme l'interdépendance des Etats.

Traditionnellement, le droit civil enseigne que, pour former le contrat, il faut des parties capables de contracter, exprimant un consentement éclairé et libre, sur un objet possible, et pour une cause licite. Les parties, le consentement, l'objet et la cause sont les éléments de fond pour la formation du contrat. Tout ce qui se rattache à la forme est de pure technique, tout au moins dans la mesure où la forme sert à la preuve de la convention et non à la protection de la volonté des contractants.

22. Le contrat est la soumission volontaire du débiteur au créancier, soumission désintéressée ou destinée à assurer un échange de prestations. Le créancier prend acte de cette soumission du débiteur. En principe, toute personne est capable de contracter, ce qui est la traduction en droit civil du principe de droit public de l'égalité. Toutefois le droit positif crée des incapacités de contracter. Les unes sont arbitraires, destinées à exclure certaines hommes du commerce juridique (esclaves, morts civils, condamnés, prodigues, femmes mariées), les autres sont naturelles et basées sur ce fait que certaines personnes physiques n'ont pas l'aptitude intellectuelle suffisante pour le commerce juridique (enfants, fous).

Rien de tout cela ne peut nous servir en droit international. Ce sont là des règles destinées à différencier les personnes physiques. L'idée seule d'incapacité est à retenir, elle répond à cette notion que certains sujets de droit sont incapables de contracter parce qu'ils n'ont pas le droit d'exprimer une volonté ou de se soumettre à l'avance à. certaines obligations1 En droit international, à défaut d'une autorité supérieure pouvant reconnaître l'existence et la capacité des personnes juridiques, la reconnaissance elle-même a un caractère conventionnel2, encore qu'il ne soit pas facile d'expliquer 593 comment la reconnaissance peut dériver de la convention, puisque la convention elle-même suppose des êtres capables de contracter, donc préalablement reconnus. Peut-être faut-il y voir simplement la traduction de cette idée que la reconnaissance affirme la personnalité et ne la crée pas, idée d'ailleurs discutée.

Le droit international n'a d'ailleurs qu'un petit nombre de sujets. On ne rencontrera donc pas l'infinie variété de situations juridiques qui se rencontre dans la société des hommes. Toutefois, on peut noter que ces sujets n'ont pas tous la même situation de droit et comparer les Etats protégés, ou les Etats dépendants, à des incapables. Les Traités de paix ont organisé des mandats internationaux, et, dans les rapports de la Puissance sous mandat et de la Puissance mandataire, on a employé les expressions mêmes dont se sert le droit civil pour préciser les rapports de représentation et d'assistance. Il faut se garder d'ailleurs d'exagérer la valeur de ces comparaisons, car la technique du contrat relative aux parties contractantes ne peut être aisément utilisée en droit international puisque ce droit ne s'adresse pas aux mêmes sujets que le droit interne.

23. Il est en revanche un principe général relatif à la personne des contractants, qui pourra trouver son application, c'est l'idée de représentation. Cette notion s'est heurtée longtemps au formalisme contractuel, elle a pleinement triomphé avec la conception de l'autonomie de la volonté.

Il y a, à l'heure actuelle, une double notion de la représentation. La première consiste dans la représentation de la volonté d'une personne par une autre personne qui exprime la volonté à sa place (mandat, représentation légale d'un incapable). La seconde consiste dans la représentation des intérêts d'une personne par une autre qui agit à sa place (gestion d'affaires, stipulation pour autrui).

1º Il y aura représentation de la volonté quand un Etat remettra à un autre le soin de contracter pour lui, soit volontairement par un mandat donné, soit forcément parce que cet Etat sera placé sous la tutelle d'un autre. Cette représentation rencontre en droit international des obstacles, soit 594 à raison des doutes sur la délégation possible de la souveraineté, soit à raison du caractère formaliste des traités. Le droit privé a connu des obstacles semblables, il les a vaincus. Le droit international doit admettre de même qu'un Etat peut traiter pour un autre et, dans les cas où il l'admettra, on appliquera tous les principes de la représentation, notamment cette règle capitale que le représenté est obligé et non le représentant (Code civil allemand, art. 164).

2º Il y a une représentation moins parfaite quand une personne gère l'affaire d'une autre ou stipule pour un tiers. Dans ce cas, le contractant agit dans l'intérêt d'autrui, mais comme il exprime sa propre volonté, on est dans l'incertitude sur le point de savoir dans quelle mesure la personne dont les intérêts sont représentés peut s'emparer de l'acte passé pour lui. Mais si la technique de la gestion d'affaires et de la stipulation pour autrui connaît encore des incertitudes, le principe est acquis dans le droit moderne que l'on peut agir pour autrui et que celui pour qui on agit peut s'emparer du bénéfice de l'acte ainsi accompli.

Le droit international hésite devant cette notion. Il connaît bien l'accession à un traité, mais cette accession est en réalité un contrat nouveau greffé sur un ancien1. Le droit international ne connaît point la promesse pour autrui2, mais le droit civil ne la connaît pas non plus. En revanche, il y a déjà des allusions très nettes dans la jurisprudence internationale aux notions de gestion d'affaires ou de stipulation pour autrui.

Cette question s'est présentée dans l'arrêt nº 7 sur les intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise3 La question était posée de savoir si la Pologne pouvait profiter d'une disposition du Protocole d'armistice et de la Convention de Spa, actes ne prévoyant pas la faculté d'adhésion. La Cour déclare que les effets de la convention d'armistice ne peuvent s'étendre à des Etats tiers, mais elle ajoute que, s'il en est ainsi, c'est parce qu' « il s'agit d'un instrument de la nature d'une convention d'armistice ». Elle ajoute, 595 visant les traités, que, « dans le doute, des droits n'en découlent pas en faveur d'autres Etats ». Ce sont des expressions volontairement modérées.

La question s'est représentée dans l'arrêt du 22 juin 1932 pour les zones franches1. Il s'agissait de savoir si le Traité de Versailles était opposable à la Suisse, qui n'y a pas été Partie. La Cour déclare qu'il n'y a pas eu mandat, et, examinant la question de la stipulation pour autrui, elle admet la possibilité de cette stipulation et en fait une théorie parfaite. « On ne saurait facilement présumer, dit-elle, que des stipulations avantageuses à un Etat tiers aient été adoptées dans le but de créer en sa faveur un véritable droit. Rien cependant n'empêche que la volonté d'Etats souverains puisse avoir cet objet pour effet. L'existence d'un droit acquis en vertu d'un acte passé par d'autres Etats est donc une question d'espèce, il s'agit de constater si les Etats qui ont stipulé en faveur d'un autre Etat ont entendu créer pour lui un véritable droit que ce dernier a accepté comme tel. »

Il y a eu, il est vrai, des opinions dissidentes2. Mais, sans qu'il y ait lieu de prendre parti ici sur l'application à l'espèce de la stipulation pour autrui, il suffit de remarquer que la Cour permanente a été obligée de puiser dans les principes généraux du droit la théorie juridique qu'elle a affirmée.

24. Le droit positif exige, dans la formation du contrat, que le consentement soit libre et qu'il soit déclaré.

C'est la liberté du consentement qui produit la soumission du débiteur. La force des deux volontés contractuelles n'est pas égale, ou plus exactement l'égalité est purement juridique, 596 il n'est pas défendu de profiter d'une supériorité intellectuelle, d'une force économique plus grande. Sans doute des théories modernes, renouvelées d'ailleurs du Moyen âge, ont prêché la réalisation d'une justice commutative dans le contrat, voulu faire de la lésion une cause de nullité, dénoncé sous le nom de contrats d'adhésion ceux qui sont arrachés à la faiblesse de l'un des contractants. Ces idées ont motivé des interventions législatives accidentelles. Elles ne peuvent être admises qu'avec une organisation technique, destinée à prévenir les dangers que créeraient l'arbitraire du juge et l'instabilité du contrat. Il n'y a aucun principe généralement reconnu sur ces points ; bien au contraire, ce sont exceptions au principe général d'après lequel l'adhésion vaut consentement, et la lésion n'est pas, en principe, une cause de nullité.

25. Le droit civil réserve tous ses soins à l'analyse des qualités du consentement. Il ne se soucie pas de la force de la volonté, mais il exige l'intelligence et la liberté. Les vices entraînant la nullité ont été analysés depuis longtemps par les juristes : la violence, l'erreur et le dol sont partout dénoncés comme vices de la volonté. C'est un héritage du droit romain, les délits prétoriens sont devenus causes de nullité. Sous des organisations techniques différentes, le principe que le contrat ne peut se former quand le consentement est vicié est admis partout.

Ce principe fondamental du droit a sa pleine valeur en droit international. Il a toujours été admis que les traités arrachés à la faiblesse d'un Etat n'en sont pas moins pleinement valables (et n'en est-il pas toujours ainsi des traités de paix ?) Mais il a été également admis qu'il faut tenir compte des vices du consentement dans les déclarations de volonté faites par les Etats1.

Les internationalistes étudient, dans la conclusion des traités, les cas de violence exercée sur les négociateurs et admettent l'erreur et le dol. Il y a sans doute une différence tenant à ce que, dans le contrat passé par une personne morale, 597 et d'une façon générale par représentant, on ne sait si le vice du consentement doit être apprécié dans la personne du représentant ou dans celle du représenté1. De plus, les conditions dans lesquelles les traités sont ratifiés ne permettent guère de relever utilement les vices du consentement.

Mais les tribunaux internationaux, appelés à apprécier une situation juridique, n'ont jamais hésité à faire appel à la théorie des vices du consentement. On peut citer, à titre d'exemple, l'arrêt nº 5 de la Cour permanente du 20 mars 1926 sur les Concessions Mavrommatis à Jérusalem. La Cour a eu à juger une question d'erreur sur la personne ; elle examine les effets de l'erreur qui porte sur les qualités de la personne et non sur l'identité, et elle emploie même les termes juridiques de nullité absolue et d'annulabilité.

26. Dans les législations primitives, le contrat ne peut se former que suivant un certain formalisme destiné à la protection du consentement et plus tard à la preuve du contrat. Dans les contrats dits solennels, cette exigence a été conservée ; dans tous les autres, le consentement a réussi à se dégager de la forme, et les pacta nuda valent les pacta vestita. Quand la forme est exigée, elle ne l'est plus guère que pour préconstituer la preuve. Le droit s'attache alors à la volonté interne et déclare que la volonté tacite vaut la volonté déclarée et que le contrat doit être interprété d'après la commune intention des parties.

Sans doute, il existe dans le droit moderne une tendance, représentée en législation par le Code civil allemand, à faire prévaloir la volonté déclarée sur la volonté interne, parce que seul importerait le fait social de la déclaration de volonté2. Mais cette doctrine n'a pu être acceptée par le Code allemand qu'avec des réserves et des tempéraments, cependant que la théorie classique de la volonté interne était elle-même obligée de tenir compte de la déclaration, ne serait-ce qu'aux fins de la preuve. On peut donc dire que si l'organisation technique de la déclaration de volonté diffère 598 suivant les pays, le principe général c'est que l'élément essentiel du contrat c'est la volonté des contractants.

En droit international, les traités sont conclus suivant des formes déterminées ; la déclaration de volonté est donc solennelle et on ne peut parler de convention tacite. Mais il n'en est pas moins vrai que s'il y a lieu à interprétation, le droit international acceptera la grande règle du droit civil de l'interprétation, suivant l'intention commune des Parties. Nous retrouverons cette règle (infra, nº 82). Quand le juge international a à appliquer ou à interpréter des contrats entre un Etat et des particuliers, il admet que ces contrats doivent être interprétés d'après l'intention des parties, ce qui ne saurait s'expliquer que par la force reconnue à la volonté tacite. Dans son arrêt nº 5 (Concessions Mavrommatis, 26 mars 1925), la Cour déclare que les concessions doivent être tenues pour valables, « même en se plaçant avec le Gouvernement britannique sur le terrain des principes qui semblent être généralement admis en matière de contrat et sur le terrain de l'intention probable des parties ».

On trouve également bien souvent, dans les arbitrages internationaux, affirmé ce principe que la volonté réelle prévaut sur la volonté déclarée1. La Cour permanente d'Arbitrage, en 1913, dans l'affaire Ile de Timor, décide qu'il y a sur ce principe concordance entre le droit privé et le droit des gens.

27. Les limites de la liberté contractuelle sont marquées dans tous les pays par un texte impératif (Code civ. français, art. 6 ; Code civ. allemand, art. 134): le contrat n'est pas valable quand il a un objet impossible ou quand il est contraire aux bonnes mœurs ou à l'ordre public, soit par son objet, soit par le but poursuivi par les parties.

La nullité pour impossibilité de l'objet est évidente. Elle est affirmée depuis longtemps par l'adage : impossibilium nulla obligatio2. C'est une règle de bon sens que l'on appliquerait certainement en droit international, l'impossibilité 599 devant d'ailleurs être appréciée secundum subjectam materiam.

La limite tirée de l'observation nécessaire des bonnes mœurs n'est pas beaucoup plus difficile à appliquer1. Il y a sans doute incertitude sur la détermination de la notion de bonnes mœurs, mais accord dans les nations civilisées sur les grands principes de la morale. On cite, par exemple, le cas d'un traité qui serait nul comme favorisant la traite des nègres2. Il faut d'ailleurs reconnaître que la notion est souvent indécise, par exemple la pratique de la contrebande à l'étranger n'a pas toujours été considérée comme un acte contraire aux bonnes mœurs, même par les juridictions internes.

28. La notion de l'ordre public est la plus délicate. On entend par là, en droit interne, les règles impératives qui sont indispensables à la vie du groupe. Le contrat, union privée entre le créancier et le débiteur, ne saurait créer un rapport contraire à ceux qui sont imposés, par l'État ou l'organisation familiale. En droit interne, c'est le législateur qui détermine le caractère d'ordre public de certaines règles, soit expressément, soit tacitement. En droit international, il est difficile de trouver une telle notion, faute d'une autorité supérieure aux États souverains leur imposant des règles auxquelles ils ne pourraient déroger par leurs accords particuliers.

Il y en a pourtant des exemples. Les articles 18 et 20 du Pacte de la Société des Nations, imposant l'enregistrement des traités, déclarent que le Pacte abroge toutes les obligations incompatibles avec ces règles et défendent d'en contracter à l'avenir de semblables. L'idée est celle de l'ordre public : il y a reconnaissance de la loi supérieure à laquelle les Parties ne sauraient déroger par leurs accords particuliers.

En droit interne, l'idée de l'ordre public permet le contrôle du juge sur les conventions privées, et, grâce au développement de la théorie de la cause, ce contrôle a pu s'exercer sur les actes juridiques tendant à un but illicite. Pour 600 l'instant, le droit international doit se servir discrètement de ce moyen ; l'autorité super-étatique est trop mal établie pour que l'on puisse toujours forcer les Etats à s'incliner devant le respect de l'ordre nécessaire à la société des Etats, et le juge international n'aurait sans doute pas l'autorité voulue pour scruter les intentions des Etats et déclarer qu'ils poursuivent un but illicite. Mais la difficulté d'application du principe ne doit pas faire oublier qu'il y a dans le respect de l'ordre public une règle supérieure reconnue par lie droit, dont un jour le droit international pourra tirer de nombreuses applications.

II. - Effets du contrat.

29. La convention crée, transforme ou éteint l'obligation. Le droit civil s'occupe particulièrement de la convention créatrice, et on lui réserve en droit français la dénomination de contrat. Il sera parlé plus tard de l'exercice des droits ; dans ce chapitre, nous retenons uniquement la force obligatoire du contrat et l'effet créateur d'obligations.

Cet effet est restreint aux parties contractantes1, et je rappelle simplement ce que j'ai dit plus haut sur le représentation et la stipulation pour autrui (nº 23).

30. Il est souvent difficile de préciser dans le texte d'une convention les modalités d'exécution de l'obligation. Quand ces modalités sont importantes, elles font l'objet d'une stipulation expresse (condition, terme). Dans les autres cas, il y a une confiance réciproque des parties. A cette confiance répond l'idée générale que les contrats doivent être exécutés de bonne foi (art. 1134 § 3 C. civ. franç.). Cette règle est admise partout. Dans certains pays, elle a été généralisée et étendue des obligations contractuelles à l'exécution de toute obligation.

Nul doute que l'on doive transporter un tel principe dans le droit international. Ainsi s'appliquent les théories de la 601 condition et du terme et doit s'appliquer la règle que les conventions doivent être exécutées de bonne foi. Ce principe a été cité dans la Commission des juristes pour la préparation du Statut de la Cour, comme l'un des principes généraux visés par l'article 38 § 3.

Il doit se combiner avec le principe que le contrat doit être interprété d'après la commune intention des parties. Il ne faut donc pas voir dans l'exécution de bonne foi un recours à l'équité. Le juge doit faire exécuter le contrat tel qu'il a été conclu ou que l'on a voulu le conclure ; il doit simplement s'assurer que l'une des parties ne cherche pas de mauvaise foi à s'assurer un avantage qui n'était point compris dans le contrat. Toutefois l'application de ce principe dans le droit des gens soulève deux difficultés.

1º L'appréciation de la bonne foi des parties implique une appréciation du juge sur la conduite des intéressés. Le droit international supporte assez mal, pour le moment, cette enquête du juge sur l'intention subjective de l'Etat. On trouve une trace de cette hésitation dans l'arrêt nº 7 du 25 mai 1926 (Usine de Chorzòw) ;

2º La bonne foi ne consiste pas toujours dans l'application textuelle de la convention. La situation d'un Etat peut être telle que l'on doive accepter une inexécution tout au moins partielle de la convention. Mais c'est là une question très délicate ; l'impossibilité d'exécution tient dans ce cas à la situation particulière du débiteur et le manquement à la bonne foi consisterait à exiger rigoureusement l'exécution de l'obligation. C'est une question que nous retrouverons à propos de l'exercice des droits ; la Cour permanente y fait allusion dans l'arrêt des Emprunts serbes (arrêt nº 24, 22 juill. 1929). Elle pose la question de savoir s'il n'y aurait pas lieu d'accorder certaines concessions sur ce que les créanciers seraient strictement en droit d'exiger (infra, nº 65).

31. La force obligatoire du contrat se traduit, en cas d'inexécution, par la responsabilité du débiteur, sauf le droit pour celui-ci d'établir que l'inexécution provient d'une cause qui lui est étrangère (art. 1146 C. civ. franç.). C'est alors la force majeure, l'Act of God. Il n'est pas besoin pour cela 602 que le contrat prévoie une sanction pour inexécution. Cette sanction peut sans doute être fixée par une clause pénale ; si elle ne l'a pas été, il appartient au juge de la fixer.

Le principe de la responsabilité contractuelle s'impose en droit international. Il ne faut pas le confondre avec le principe de la responsabilité pour les actes illicites1. L'unité et la diversité de la responsabilité contractuelle et délictuelle sont soutenues en droit privé ; mais, quel que soit le fondement de la responsabilité contractuelle, il est admis qu'à la différence de la délictuelle, elle n'exige pas la preuve de la faute du débiteur, étant mise en jeu par la simple inexécution de la convention. Elle est une conséquence de la force obligatoire du contrat. On trouvera dans la jurisprudence internationale des applications de cette idée pour tous les arbitrages internationaux intervenus à propos des emprunts d'Etat, encore que, dans ces cas, le caractère particulier de la dette ait parfois un peu altéré l'idée de la responsabilité contractuelle de l'Etat.

En tout cas, la Cour permanente de Justice internationale a mis ce principe en pleine lumière. Dans son arrêt nº 9, du 26 juillet 1927, elle dit : « La violation d'un engagement entraîne l'obligation de réparer dans une forme adéquate. »2 Dans son arrêt nº 13, elle dit : « La Cour considère que c'est un principe de droit international, voire même une conception générale du droit, que toute violation d'un engagement comporte l'obligation de la réparer. »3

32. Le droit positif hésite sur le pouvoir de contrainte à accorder au créancier contre le débiteur. Il est admis dans certaines législations que le juge peut condamner à l'exécution en nature, dans d'autres qu'il peut prononcer une astreinte. Mais ce sont là questions qui ressortent à la technique juridique, l'unanimité n'est pas faite sur le procédé de réparation. L'obligation de réparation au contraire n'est pas discutée.

603

33. Le contrat doit-il être exécuté par le débiteur même si les circonstances ont changé ? L' imprévision autorise-t-elle la suppression, la suspension ou la modification du contrat ?

La doctrine classique est contraire à la révision du contrat pour cause d'imprévision, sous réserve d'une analyse de la volonté des parties prévoyant ces circonstances nouvelles ; mais alors il ne s'agirait plus en réalité d'imprévision. Cette doctrine enseigne qu'il n'y a pas sous-entendue dans les contrats la clause dite rebus sic stantibus. Si les choses ne devaient pas changer, les parties n'auraient eu aucun intérêt à contracter pour l'avenir ; les contrats de longue durée s'expliquent par la crainte des changements1.

Il y a pourtant, à l'heure actuelle, un courant favorable à la révision des contrats pour cause d'imprévision. Après la guerre, le bouleversement de la situation économique et surtout la dépréciation monétaire ont conduit à penser que l'idée de justice pouvait exiger la révision des contrats conclus. Dans beaucoup de pays, des mesures ont été prises, soit pour réviser certains contrats, les contrats commerciaux ou les baux par exemple, soit pour valoriser les créances. Ce sont là mesures de circonstance qu'il faut prendre avec prudence et entourer d'un appareil technique très précis. La multiplication de ces interventions législatives a amené une décadente du contrat, une disparition de la confiance dans la stabilité, dans la sainteté du contrat. Certains juristes ont, il est vrai, prétendu que le principe de la révision devrait être admis comme principe général et que le contrat n'est en lui-même respectable qu'en tant qu'il concourt à l'utilité commune. Ce sont là principes nouveaux qui sont loin d'être reconnus par les nations civilisées. La base de l'ordre demeure la stabilité du contrat ; il n'y a, dans aucun pays, de texte général donnant au juge le droit de réviser les contrats, ou même d'en suspendre les effets. Le principe du droit civil, c'est que le contrat doit être appliqué tel qu'il a été conclu. En France, la Cour de cassation a maintenu l'application de ce principe avec la plus grande rigueur.

604

Il y a plus d'hésitations en droit public, parce que le droit public sacrifierait volontiers le respect du contrat à l'exécution du service public1. L'opposition entre la jurisprudence civile et la jurisprudence administrative a été souvent signalée, parfois même exagérée.

34. On peut se demander alors ce qu'il doit en être dans le droit international. On rencontre ici une question célèbre, celle de l'application de la clause rebus sic stantibus. Y aurait-il là un principe particulier au droit international, qui ne serait pas emprunté aux principes généraux du droit ? En réalité, c'est bien dans les principes généraux du droit qu'il faut trouver les limites d'application de la clause rebus sic stantibus.

On s'aperçoit vite qu'il est impossible de transformer cette clause en une règle générale sans arriver à la théorie de la valeur conditionnelle des traités2. Si on réfléchit, de plus, que chaque Etat peut décider lui-même qu'il cesse d'être lié parce que les circonstances ont changé, on s'aperçoit du très grave danger que présenterait l'idée d'imprévision dans le droit international. Aussi a-t-on toujours hésité à l'admettre. La Déclaration de 1871 (Protocole de Londres, à la suite de la déclaration de la Russie entendant se délier du Traité de Paris du 30 mars 1866 sur la neutralisation de la Mer Noire) a été considérée comme une condamnation de la clause, encore que certains auteurs n'y voient que la condamnation d'une application.

Il a manqué justement sur ce point aux internationalistes de faire appel aux principes les plus sûrs du droit civil. Il ne saurait y avoir révision d'un traité par une déclaration unilatérale ou par la décision d'un juge. Mais, d'après les principes généraux, on doit admettre qu'un traité cesse de s'appliquer :

1º lorsque la modification est acceptée par les deux Puissances, ce qui n'est qu'une application du mutuus dissensus ;

605

2º lorsque les parties ont prévu expressément ou tacitement qu'il ne s'appliquerait plus si les circonstances changeaient ; c'est l'idée du terme ou de la condition ;

3º lorsque le traité est perpétuel ; on pourrait peut-être admettre une résiliation unilatérale au bout d'un certain temps, mais il faudrait alors que la coutume précisât la durée et la possibilité de la dénonciation1.

Devant la Cour permanente, la clause rebus sic stantibus a été quelquefois invoquée2, mais il n'y en a pas eu d'application. L'article 19 du Pacte de la Société des Nations prévoit le changement ou l'abrogation du traité inapplicable à cause de la nouvelle situation de fait, mais il faut un vote unanime de l'Assemblée de la Société des Nations et non une déclaration unilatérale.

En tout cas, il est certain que le juge international ne saurait avoir le pouvoir de refaire le contrat, sous le prétexte que les circonstances ont changé. Dans son arrêt nº 5 du 26 mars 1925 (Concessions Mavrommatis), la Cour permanente déclare que « s'il rentre dans l'attribution de la Cour de proclamer le droit du concessionnaire à la réadaptation de ce contrat, elle ne saurait fixer elle-même les modalités que cette réadaptation comporte ». Cette décision peut être utilement comparée à celle rendue par le Conseil d'Etat français dans l'affaire du Gaz de Bordeaux.

35. Il est un principe universellement admis en droit civil, c'est celui de l'exécution des contrats synallagmatiques trait pour trait (Erfüllung Zug um Zug) (C. civ. franç., art. 1184 ; C. civ. allemand, art. 320). Cette règle est fondée sur une idée de justice (frangenti fidem non est fides servanda) et sur une idée d'utilité pratique : pourquoi exécuter puisqu'on devrait reprendre ?

Son application se traduit de deux manières : par voie de défense, sous la forme de l'exception d'inexécution, exceptio non adimpleti contractus ; par voie d'action, sous la forme de l'action résolutoire pour inexécution. Le Code civil français 606 contient un texte sur l'action (art. 1184) et on admet l'exception sans texte.

Il faut transférer sans hésitation ces principes dans le droit des gens. Ce sont, en effet, des applications .de l'idée de la force obligatoire du contrat. Il y a des allusions très nettes dans les arrêts de la Cour permanente. Dans son arrêt nº 5 (Mavrommatis), la Cour examine s'il n'y aurait pas eu déchéance du concessionnaire, parce que le concessionnaire n'aurait pas rempli ses obligations. Dans son arrêt nº 8 (Usine de Chorzòw), la Cour fait allusion au cas où une des parties, en ne remplissant pas son obligation, empêche l'autre, par un acte contraire au droit, de remplir les siennes.

M. Anzilotti, examinant cette hypothèse, déclare que l'un des contractants ne peut se délier lui-même -et qu'il conserve le droit, s'il le préfère, de réclamer l'exécution du contrat1. C'est appliquer purement et simplement les principes du droit civil : le contractant a le choix entre l'exécution et la résolution ; la résolution n'est pas de plein droit ; sauf clause expresse du contrat, il faut recourir aux tribunaux et leur demander de la prononcer. Tout cela fait partie des règles fondamentales du droit contractuel. Le droit international ne peut pas ne pas tenir compte de ces règles.

36. On pourrait pousser plus loin cette étude du contrat. Il est peu de règles du droit positif dont l'application soit strictement limitée au droit interne. Le droit contractuel, dans tous les pays, est formé de règles générales dégagées peu à peu par le progrès des idées, afin d'assurer à la volonté libre sa pleine efficacité. Dans la société des Etats, les accords ne sauraient être régis par d'autres principes que dans la société des hommes, réserve faite de la personnalité des contractants.

Alors donc que la coutume internationale est muette, il n'y a qu'à chercher dans les principes généraux du droit civil contractuel les règles applicables aux contrats internationaux. 607 Et tout le monde le fait, soit par la volonté réfléchie d'appliquer au droit international les règles du droit civil, soit parce que cette application s'impose et qu'on la justifie en faisant appel à la justice ou à la logique. Le droit contractuel est formé depuis longtemps ; il se compose, en dehors d'un appareil technique compliqué, d'un certain nombre de règles très simples, fondées sur la justice et sur l'utilité. Le droit international ne saurait les négliger.

608

CHAPITRE III - LA RESPONSABILITÉ CIVILE

[...]

616

[...]

II. - Eléments de la responsabilité civile.

45. Les éléments de la responsabilité sont la faute, le dommage et la relation de causalité entre la faute et le dommage. Il n'y a rien de spécial à dire en droit international sur la relation de causalité. La recherche peut être délicate, elle obéit uniquement aux lois de la logique. Quant au dommage, il est admis d'une façon unanime qu'il peut être matériel ou moral1. Il peut y avoir dommage matériel 617 soit pour l'Etat, soit pour ses ressortissants, si l'Etat prend fait et cause pour eux1. Il y aura souvent dommage moral, par exemple au cas d'atteinte à l'honneur de l'Etat2.

L'examen doit porter sur l'idée de faute. Il faut éliminer ici tout ce qui concerne la question d'imputabilité ; l'égalité des sujets dans la société internationale supprime cette question qui peut se poser dans la vie privée pour les êtres sans conscience ou sans capacité juridique.

Mais deux questions se présentent : celle de la responsabilité pour fait personnel et celle de la responsabilité pour le fait d'autrui. Dans le premier cas, il y aura responsabilité simple, dans le second responsabilité complexe.

46. Il est impossible de définir le fait illicite. Il faudrait, en droit international, énumérer les obligations des Etats. On a essayé de dresser la liste des droits et des devoirs des Etats, c'est une tâche pour laquelle le droit civil n'est d'aucun secours3.

Ce qu'il faut noter, c'est que la faute peut être acte de commission ou acte d'omission. La négligence et l'imprudence sont assimilées par la loi interne au fait positif (art. 1383 C. civ. franc.). Le droit anglais déclare que l'on est responsable quand on ne fait pas tout le nécessaire pour éviter le dommage (due diligence). Les juridictions arbitrales ont bien souvent admis la responsabilité de l'Etat pour de semblables négligences. La Cour permanente de Justice déclare, dans l'arrêt nº 3, que l'expression actes commis vise les actes contraires au droit des gens et entraînant l'obligation de réparation. L'arrêt nº 2 qualifie de principe élémentaire du droit international celui qui autorise l'Etat à protéger ses nationaux, lésés par un acte contraire au droit des gens.

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Peu importe la nature de l'acte dommageable. Ce peut être une loi, la loi interne n'étant aux yeux du juge international qu'un simple fait1. Ce peut être une mesure administrative, par exemple l'annulation d'une concession2 ou une embargo sur un navire. Ce peut être une décision judiciaire, une erreur du juge ou un déni de justice.

47. Un certain embarras se manifeste ici, du fait que, dans l'exercice de ses activités législative, administrative, judiciaire, l'Etat exerce sa souveraineté. On retrouve l'adage traditionnel : Neminem laedit qui suo jure utitur. Il n'y a pas dans la législation interne française de consécration d'un tel adage, mais il est reconnu exact sur la base de l'idée de faute, L'art. 226 du Code civil allemand dit expressément : « L'exercice d'un droit n'est pas permis lorsqu'il ne peut avoir d'autre but que de causer un dommage à autrui. » La théorie de l'abus des droits est devenue classique en droit civil ; elle s'est beaucoup développée dans ces dernières années, non sans contenir d'ailleurs certains éléments d'obscurité. Le mot est pris, en effet, dans un double sens. On dit tout d'abord qu'il y a abus du droit quand une personne commet une faute dans l'exercice d'un droit, c'est-à-dire ne l'exerce pas comme le ferait le bon père de famille. Certains auteurs critiquent alors l'expression. Le droit cesse où l'abus commence, a dit M. Planiol, un acte n'est pas à la fois conforme et contraire au droit3. L'expression a un deuxième sens. La recherche subjective de l'intention est permise malgré la régularité objective de l'acte, et l'acte nocif oblige à réparation dès qu'il est motivé par une pensée coupable, alors même qu'il serait régulier4.

Le droit international doit se servir de la notion d'abus du droit. En droit public interne, le détournement de pouvoir n'est pas autre chose qu'un abus du droit de la part de l'autorité étatique. Il y aura abus du droit dans le droit des gens quand un Etat, tout en respectant ses obligations 619 internationales, agira uniquement pour nuire à autrui. M. Politis a remarquablement développé cette idée1. Il cite plusieurs exemples de cas où l'abus du droit a été reconnu. La Cour permanente de Justice a fait des allusions très nettes à cette théorie2.

48. En sens inverse, on a soutenu qu'une violation par l'Etat d'une de ses obligations ne saurait entraîner réparation si le fait a été imposé par l'état de nécessité ou la légitime défense de l'Etat. L'acte, irrégulier en lui-même, deviendrait régulier par l'intention de l'auteur. Cette théorie, défendue en Allemagne, est loin d'ailleurs d'être admise par tous les internationalistes3. Ici encore, le droit civil va nous fournir la règle générale applicable. Il ne légitime pas un acte irrégulier par la pureté de l'intention, ou la nécessité où se trouve l'auteur de l'accomplir ; seule la force majeure peut délier une personne de ses obligations. C'est la théorie qu'il faut appliquer à l'Etat. Les textes qui se trouvent dans certaines législations (art. 227 C. civ. allemand, art. 52 C. civ. suisse), sur la légitime défense au civil, ne représentent pas un principe universellement admis. M. Anzilotti arrive à une autre conclusion4 ; il déclare que l'acte accompli sous l'empire de la nécessité est un acte licite parce qu'il est accompli dans la sphère de la liberté que le droit laisse aux sujets pour pourvoir à leur propre conservation ; mais c'est parce qu'il a commencé par admettre qu'en droit interne l'état de nécessité justifie l'acte : Or, ce qu'admet le droit commun, c'est simplement que la force majeure est exclusive de toute responsabilité. C'est le seul principe qui, pour le moment, puisse être admis en droit international. La Cour permanente d'arbitrage le déclare dans son arrêt relatif aux dommages 620 et intérêts de la Russie : « L'exception de force majeure est opposable en droit international public aussi bien qu'en droit privé. »1 Les caractères de la force majeure seront d'ailleurs les mêmes en droit privé et en droit international. Dans son arrêt nº 14, relatif aux emprunts serbes, la Cour permanente de justice a décidé que le bouleversement économique de la guerre ne constitue pas un cas de force majeure, décision qui a été donnée également par les juridictions internes.

49. Il est enfin un principe admis partout, c'est qu'il n'y a pas de responsabilité de l'auteur apparent du dommage quand il y a faute de la victime : volenti non fit injuria. Le lien de causalité n'existe d'ailleurs plus qu'en apparence. Ce principe ne peut faire aucun doute dans son application internationale.

La compensation des fautes pose un problème plus difficile2. La solution des législations internes n'est pas toujours la même ; certaines admettent la responsabilité partagée, d'autres refusent toute action à la victime. Le droit international s'oriente vers le partage proportionnel aux fautes ; c'est la solution qui a prévalu dans la convention maritime de 1910 sur l'abordage, dans les conventions aériennes de Varsovie de 1929 et de Rome de 1931. Il en a été fait des applications dans les sentences arbitrales, et dans son arrêt nº 1 (Wimbledon), la Cour permanente de justice n'a refusé d'admettre la compensation que parce que la faute de la victime n'existait pas.

50. Il existe en droit interne une responsabilité complexe quand une personne répond de l'acte d'une autre personne. L'exemple le plus net est la responsabilité du commettant pour les fautes de ses préposés. Elle est admise partout, mais avec une organisation technique différente de la preuve. Cette responsabilité du fait d'autrui est basée traditionnellement sur une faute : culpa in eligendo ou in negligendo. La doctrine moderne la fait reposer sur une sorte de garantie légale due par le maître pour les actes 621 de ses préposés, une identification du fait du préposé et de celui du commettant par une représentation dans l'activité nocive.

Il y a doute pour les personnes morales sur le point de savoir si la responsabilité qui pèse sur elles du fait de leurs organes est une responsabilité personnelle ou une responsabilité du fait d'autrui. Cette question doit se poser nécessairement en droit. international : on se demande si la responsabilité de l'État peut être engagée au cas où un de ses agents fait un acte irrégulier. L'acte de l'agent apparaît alors comme un acte personnel et non plus comme un acte de l'État.

Le droit civil va nous fournir la réponse. On est responsable des fautes de ses préposés lorsque ceux-ci causent un dommage dans l'exercice de leurs fonctions, et la jurisprudence admet qu'il peut y avoir abus des fonctions : cet abus existe toutes les fois que le préposé utilise pour l'action nocive la fonction qui lui est confiée. Donc, quand l'agent de l'État a fait un acte irrégulièrement, mais qu'il l'a fait comme agent de l'État, l'État est responsable de cet acte.

51. Les personnes qui ont commis l'acte dommageable peuvent être des particuliers agissant sur le territoire de l'État : il en est ainsi au cas d'émeute, révolution, guerre civile. Si des dommages sont causés aux étrangers, l'État dont les victimes sont ressortissants peut demander réparation pour ses nationaux.

On n'admet pas toujours le droit à réparation, et en particulier les Etats de l'Amérique Centrale et de l'Amérique du Sud ont une tendance à donner aux indemnités un caractère gracieux. La question est complexe. Un Etat a l'obligation de maintenir l'ordre chez lui et il ne saurait être délié de cette obligation qu'en cas de force majeure. La question est de savoir s'il a fait son possible pour éviter le dommage. L'Institut de Droit international (session de Lausanne, 1927) déclare que l'État n'est pas responsable s'il a prévenu les actes dommageables avec la diligence qu'un État doit apporter dans cette prévention.

La solution est semblable pour les crimes et délits 622 perpétrés dans un Etat contre les Etats étrangers1. Il s'agit toujours de savoir si l'Etat où le crime a été perpétré a pris les mesures suffisantes pour l'empêcher. La question se pose sur l'idée de faute et non sur l'idée de risque, et il faut repousser ici comme pouvant dériver des principes généraux tout principe d'une responsabilité qui serait basée sur la notion de solidarité du groupe2.

Cette analyse correspond exactement à celle de la responsabilité du fait d'autrui en droit civil. Il y a des personnes dont on est légalement responsable, ce sont celles qui agissent pour nous ; il y en a d'autres dont on répond seulement parce qu'on avait le droit de les surveiller et qu'on les a mal surveillées.

III. - Réparation du dommage.

52. - En droit privé, l'action en responsabilité est une action en réparation ; elle n'a aucun caractère pénal, le droit civil ne s'occupe pas de la punition du coupable. Cette idée doit être maintenue, même dans la réparation du dommage moral, bien que, dans ce cas, on constate, après la réparation, une augmentation du patrimoine de la victime. La réparation du dommage moral a sans doute un caractère un peu trouble, la victime recevant une satisfaction de remplacement ; il y a pourtant réparation et non punition. La responsabilité internationale tend également à la réparation du préjudice causé. Elle n'est donc engagée que lorsqu'on a épuisé les moyens de rétablir une situation compromise par la violation d'une obligation ; par là l'action en responsabilité a, en quelque sorte, un caractère subsidiaire3.

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La Cour permanente de justice a affirmé cette règle dans son arrêt nº 8 (Usine de Chorzow).

53. - L'allocation d'une indemnité à titre de réparation du préjudice fait partie des principes généraux du droit1. Pour la victime qui est créancière, cette allocation est la meilleure des réparations, car elle lui permet de se procurer une satisfaction à son choix. Pour l'auteur, qui est débiteur, c'est l'obligation la plus facile à exécuter, et si l'on créait à titre de réparation une autre obligation, il faudrait, au cas d'inexécution, revenir devant la justice, qui ne pourrait jamais prononcer que l'allocation d'une indemnité. Cette satisfaction peut résulter d'un accord amiable entre les parties, elle efface alors les conséquences de l'acte commis. A défaut, il y aurait lieu, pour la juridiction internationale, de prononcer une condamnation au paiement d'une indemnité2.

La Cour permanente d'Arbitrage, dans la sentence relative aux dommages et intérêts réclamés par la Russie, décide qu'il y a lieu à dommages et intérêts de caractère compensatoire3. Dans ses arrêts de 1920, relatifs aux saisies du Manouba et du Carthage, elle prononce des dommages-intérêts et repousse toute autre sanction comme dépassant le but de la juridiction internationale4.

La Cour permanente de Justice a affirmé très nettement le principe de la réparation pécuniaire. Dans son arrêt nº 1 (Wimbledon), elle dit : « Le principe que le dommage causé doit être intégralement réparé est un principe de justice reconnu par le droit commun des peuples civilisés. » Dans son arrêt nº 13 (Usine de Chorzôw), elle dit : « Le principe essentiel qui découle de la notion même d'acte 624 illicite, et qui semble se dégager de la pratique internationale, notamment de la jurisprudence des Tribunaux Arbitraux, est que la réparation doit, autant que possible, effacer toutes les conséquences de l'acte et rétablir l'état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n'avait pas été commis : restitution en nature ou, si elle n'est pas possible, paiement d'une somme correspondante à la valeur qu'aurait la restitution en nature, allocation, s'il y a lieu, de dommages et intérêts pour les pertes subies qui ne seraient pas couvertes par la restitution en nature ou le paiement qui en prend la place, tels sont les principes auxquels doit s'inspirer la détermination du montant de l'indemnité due à raison d'une dette contraire au droit international. » Et elle ajoute : « Il est un principe en droit international que la réparation d'un tort peut consister dans une indemnité correspondant au dommage que les ressortissants de l'Etat ont subi par l'acte contraire au droit international. C'est même la forme de la réparation la plus usitée. » La Cour décide qu'elle peut déterminer à qui le paiement doit être fait, dans quel endroit et à quel moment il devra intervenir, s'il doit être intégral ou peut être effectué par acomptes, et elle ajoute qu'il s'agit « de l'application aux cas d'espèce des règles relatives au paiement ». Dans l'espèce, elle condamne en francs français, cette condamnation étant, à ses yeux, la meilleure réparation possible.

54. - II y a mieux. Les juridictions internationales ont dû utiliser les règles du droit civil pour la détermination du montant de la réparation. C'est une règle admise dans toutes les législations que les dommages et intérêts comprennent le préjudice souffert, damnum emergens, et le gain manqué, lucrum cessans (art. 1149 C. civ. franç., 252 C. civ. allemand), sous réserve de la non-réparation du dommage indirect.

Or la question de savoir s'il y a lieu d'accorder une indemnité pour le gain manqué a été discutée en droit international1. Dans la sentence arbitrale intervenue dans 625 l'affaire de l'Alabama, le 14 septembre 1862, il est dit : « Les profits éventuels ne sauraient faire l'objet d'une compensation, parce qu'il s'agit de choses futures et incertaines. »1 Mais une telle doctrine n'a point triomphé. M. Scerni cite un cas où les dommages et intérêts ont été admis pour gain manqué. La Cour permanente de Justice, dans son arrêt nº 1, décide : « Le droit international connaît les principes qui lui sont propres, c'est pourquoi la question de la réparation y est régie par des règles différentes de celles du droit privé, » La Cour ne dit pas quelles sont ces règles ; elle écarte d'ailleurs le fret perdu par immobilisation du navire en déclarant que le navire qui désirait faire reconnaître son droit n'a commis aucune faute dans son attente. Elle refuse la réclamation pour contribution aux frais généraux de la société, mais c'est parce que ces dépenses n'ont aucun rapport avec le refus de passage. Le mémoire allemand déclare bien qu'une demande de dommages et intérêts pour manque à gagner n'est pas admissible, mais l'arrêt de la Cour ne se. rallie nullement à cette opinion.

La Cour, d'ailleurs, a nettement affirmé un avis contraire dans l'arrêt nº 13 (Usine de Chorzow) : « En ce qui concerne le lucrum cessans, il y a lieu de faire abstraction de certains profits éventuels, car ils se trouveront être compris dans la valeur hypothétique ou réelle de l'entreprise au moment actuel. » La Cour admet bien la réparation du gain manqué, mais réserve la question de causalité. Cette question se ramène dès lors à celle du dommage indirect2.

55. - Dans l'inexécution des obligations de sommes d'argent, la compensation du préjudice causé par le retard se fait par l'allocation forfaitaire des intérêts moratoires. La règle est admise partout (art. 1153 C. civ. français, 288 Code civ. allemand). Elle tient, d'une part, à la difficulté de 626 calculer le préjudice réel, d'autre part, à la certitude que la privation d'un capital cause un préjudice au créancier.

La Cour permanente d'Arbitrage a rendu sur cette question un arrêt bien connu1. Statuant sur le retard dans le paiement d'une indemnité, elle, déclare : « Les législations privées des Etats faisant partie du Concert européen admettent toutes, comme le faisait autrefois le droit romain, l'obligation de payer au moins les intérêts de retard, à titre d'indemnité forfaitaire, lorsqu'il s'agit de l'inexécution d'une obligation consistant dans le paiement d'une somme d'orgeat liquide et exigible, et cela au moins à partir de la mise en demeure du débiteur. Quelques législations vont plus loin et considèrent que le débiteur est déjà en demeure dès la date de l'échéance, ou encore admettent la réparation complète du dommage, au lieu de simples intérêts forfaitaires. Il n'y a donc pas lieu, et il serait contraire à l'équité de présumer une responsabilité de l'Etat débiteur plus rigoureuse que celle imposée au débiteur privé dans un grand nombre de législations européennes. »

La Cour permanente de Justice internationale, dans son arrêt nº 1 (Wimbledon), fait courir les intérêts moratoires à partir de la date de l'arrêt, « c'est-à-dire du moment où le montant de la somme due a été fixé et l'obligation de payer établie »2, et pour en fixer le taux elle décide : « La Cour trouve acceptables, dans la situation financière actuelle du monde, en tenant compte des conditions admises pour les emprunts publics, les 6 pour 400 demandés. » La Cour permanente de justice a bien été obligée, ici, d'appliquer en matière internationale une règle qui n'est donnée que par les principes généraux du droit.

56. - Au fur et à mesure que se présentera plus fréquemment la question de la responsabilité internationale des Etats, les emprunts aux principes du droit interne se multiplieront. On ne peut construire, en effet, la responsabilité des Etats sur un autre plan que la responsabilité des per- 627 sonnes privées, en tant que les règles juridiques correspondent au devoir moral et social de réparation, M. Le Fur écrit ; « En pratique, les arbitres, faute de texte international précis, appliquent ici, sur les points de détail, les règles du droit interne, dont beaucoup remontent au droit romain. Cette matière est, en effet, avec celle des obligations, une de celles où les principes juridiques relèvent le plus directement de l'idée de justice, et, par conséquent, comportent le moins de variations malgré les différences d'époque ou de pays »1. Le recours aux principes généraux du droit permettra de reconnaître la responsabilité internationale des Etats dans un grand nombre de cas et d'affiner singulièrement l'analyse de cette responsabilité.

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CHAPITRE IV - L'EXERCICE DES DROITS

57. Membres de la société internationale, les Etats ont des droits et des obligations. L'objet de ces droits n'est pas le même que celui des rapports entre personnes privées, car l'Etat ne se propose pas les mêmes fins que les initiatives particulières. Mais l'organisation du rapport juridique suppose l'existence de règles relatives à la naissance, à l'exercice, à la transmission et à l'extinction des droits. Ces règles ont été dégagées par le droit civil et, si certaines sont de pure technique, il en est un grand nombre qui sont communes aux nations civilisées. C'est qu'en effet le rapport juridique est un lien entre deux sujets de droit, et qui, si l'on admet l'idée du droit subjectif, donne à une personne un certain pouvoir sur une autre. Le créancier et le débiteur forment désormais une petite société, une union, créée pour une fin déterminée. Le droit réglemente la formation et la dissolution de cette union, la manière dont le pouvoir y sera exercé.

Dans cette réglementation, il se laisse tout d'abord guider par l'idée morale de justice. Les deux parties ne sont pas liées arbitrairement, ni indéfiniment ; la bonne foi domine leurs relations ; le créancier ne peut abuser de son droit, le débiteur doit donner au créancier la satisfaction promise et, à défaut, peut être contraint de le faire.

D'autre part, la logique juridique exerce ici son empire. On répète à l'envi, dit. Planiol1, que les obligations « représentent la partie immuable du droit. Il semble que leurs règles principales soient des vérités universelles et éternelles, comme celles de la géométrie et de l'arithmétique ». Il réfute 629 cette opinion et je l'ai refutée après lui1. Il y a eu une évolution de la théorie des obligations, laquelle, construite par les Romains, a été reconstruite à l'aide des matériaux romains par Dumoulin, d'Argentré, Domat et Pothier. Mais il n'en reste pas moins que le modèle romain et les nécessités de la logique ont amené sur ce point une uniformité législative très grande.

La technique juridique de cette partie du droit est très développée. Le Code civil allemand de 1900 a établi une théorie de l'obligation assez différente, sur certains points, de la théorie française. Les différences techniques ne doivent pas faire oublier la similitude des principes. Il ne faut d'ailleurs pas les exagérer, elles ne portent souvent que sur des points secondaires.

Le droit international a utilisé depuis longtemps cette technique des obligations. Créé par des juristes, il a emprunté à la langue juridique courante les expressions usuelles. Ce fut d'ailleurs souvent une source de confusion, car les termes changent de sens en passant du droit interne dans le droit international.

L'adaptation technique des règles ne nous intéresse pas, mais ce qui nous intéresse, c'est de rechercher quelles ressources le droit international peut trouver dans l'application des principes généraux sur la naissance, l'exercice, la transmission, l'extinction des droits.

I. - Naissance des droits.

58. Il existe une organisation légale de la société des hommes. Le droit interne établit, à raison de leur situation, certains rapports juridiques, par exemple l'obligation alimentaire entre les membres de la famille. Ces obligations légales sont peu nombreuses ; la plupart sont strictement déterminées dans leur objet et il n'existe guère qu'un principe général, celui de ne pas nuire à autrui par faute, sanctionné 630 par la responsabilité de celui qui a causé un dommage. Il en est de même en droit international. Les obligations légales entre Etats ne peuvent, faute d'un pouvoir légal Supérieur, être déterminées que par la coutume internationale1. Cette coutume se contente de poser le principe que les Etats ne doivent pas se nuire par l'inaccomplissement de leurs devoirs, et c'est la question déjà examinée de la responsabilité internationale des Etats.

59. La plupart des obligations, les plus précises et les plus variées dans leur objet, naissent du contrat. Les partie sont libres, dans leur convention, de prévoir exactement l'étendue du rapport juridique, d'en retarder l'exécution par un terme, de la rendre incertaine par une condition, de lier ensemble plusieurs débiteurs par la solidarité et le cautionnement, de prévoir des modalités d'exécution par une alternative ou une faculté, de régler l'exécution et les conséquences de l'inexécution par une clause pénale. Ces modalités dérivant de la volonté des parties se retrouvent dans les contrats du droit des gens. Le terme, la condition, la réserve de telle ou telle situation constituent des stipulations usuelles des traités2. Ces mots sont pris dans le sens même où le droit civil les emploie, et comme en droit civil, il s'agit au fond d'une reconnaissance de l'autonomie de la volonté.

60. Mais en dehors du délit et du contrat, le droit civil admet parfois la naissance d'un droit par la manifestation unilatérale de la volonté. Par exemple, quand une personne fait un acte dans le but de rendre service à autrui, il y a gestion d'affaires et rapport juridique créé entre le gérant et le maître de l'affaire. Il est douteux que le droit des gens puisse accueillir une telle idée. La souveraineté des Etats n'autorise guère l'intervention pour le compte d'autrui. Nous avons vu toutefois qu'il y a une tendance à ne pas repousser l'admission de la stipulation pour autrui (supra, nº 23). De même il n'y a rien dans la gestion d'affaires qui puisse répugner à son extension au droit des gens ; en particulier 631 la règle que la gestion ratifiée équivaut à un mandat serait certainement admise dans le cas où un Etat aurait agi pour un autre.

61. Le droit civil moderne a dégagé de la gestion d'affaires le cas où une personne procure un enrichissement à autrui en s'appauvrissant elle-même, et il donne une action de in rem verso pour réclamer le montant de l'appauvrissement jusqu'à concurrence de l'enrichissement procuré. C'est l'application du principe que nul ne peut s'enrichir injustement ou sans cause aux dépens d'autrui.

Ce principe semble un principe d'équité tellement général qu'on serait tenté de l'appliquer dans les relations internationales et il pourrait y être d'une fructueuse, application. Il faut pourtant l'accueillir avec une certaine méfiance. Il n'est pas en effet admis d'une façon unanime en France ; il n'y a que des textes épars dans le Code civil qui en consacrent des applications et ce n'est guère que depuis quarante ans que la jurisprudence l'a accueilli comme règle générale. Dans d'autres pays, par exemple en Allemagne, il est mêlé à l'application du droit contractuel et à la théorie de la cause. Si l'on fait de ce principe, avec Aubry et Rau, une règle relative aux relations patrimoniales, un droit de revendication d'une valeur qui a changé de patrimoine, l'application aux Etats ne serait guère justifiée, car il est rare qu'il s'agisse dans les relations internationales de rapports purement patrimoniaux. Si on donne, au contraire, au principe un fondement moral1, il faut prendre garde que la généralité du précepte pourrait arriver à la destruction de règles juridiques par la trop large place laissée à l'équité. Traditionnellement, l'adage ne défend que l'enrichissement sans cause et, comme l'expression est difficile à expliquer, la règle est difficile à appliquer. Dans le droit des gens, il sera extrêmement malaisé de décider dans quels cas un Etat peut avoir une juste cause de conserver l'enrichissement qu'il a acquis aux dépens d'un autre. Il n'y a pas, en effet, dans les relations entre Etats, la précision 632 juridique qui permet au droit privé de décider que dans telle hypothèse l'enrichissement est sans cause.

Il ne faut pourtant pas renoncer délibérément à ce principe dans le droit des gens. Il n'en a pas encore été fait application, mais le droit privé lui-même a mis longtemps à le dégager. C'est un principe d'une moralité supérieure, remède subsidiaire même, d'après certains auteurs. Il n'y a aucune raison pour ne pas dire qu'un Etat ne saurait s'enrichir injustement ou sans cause aux dépens d'un autre. L'application de cette règle. pourra peut-être un jour donner le moyen de réparer certaines injustices.

62. Le droit privé attache parfois au simple fait l'acquisition d'un droit. Persuadé que l'on ne peut laisser sans danger se prolonger la séparation de la situation de fait et de la situation juridique, il transforme une situation de fait en un droit. Ainsi l'occupation d'un bien fait acquérir la propriété quand ce bien est sans maître ou abandonné par son propriétaire : res nullius primo occupanti. Ainsi encore la prescription acquisitive ou usucapion fait acquérir le droit par une possession prolongée aux dépens du titulaire qui ne le défend pas. Le droit privé a poussé très loin l'analyse de la possession qui conduit à la propriété, distinguant la possession de la détention, la bonne foi et la mauvaise foi, prévoyant des causes d'interruption et de suspension.

Le droit international a été depuis très longtemps frappé par la précision de cette doctrine juridique. L'acquisition de territoires par les Etats lui a paru comparable à l'acquisition de la propriété et des droits réels, et les règles sur l'occupation et la prescription ont été bien souvent invoquées devant les juridictions internationales1. Nous en avons un exemple dans l'affaire du Groenland réglée par la Cour permanente de Justice dans son arrêt du 5 avril 1933.

Il y a là des comparaisons dangereuses, et je dénonce sur ce point la confusion entre les règles techniques et les règles 633 fondamentales. Il s'agit, en droit privé, d'une acquisition de propriété ou d'un droit réel, aboutissant nécessairement à un déplacement de droit. Il y a une injustice tolérée pour des raisons d'utilité publique : l'impossibilité, au bout d'un certain temps, de faire la preuve du droit et la nécessité de maintenir des situations acquises. En droit international, la question débattue est une question non de propriété, mais de souveraineté. Les raisons qui expliquent l'acquisition de. la propriété privée ne sont pas valables. Il peut y en avoir d'autres, mais elles sont alors tirées du droit des gens. Je ne crois pas que l'on puisse utilement transposer ici les principes sur l'acquisition de la propriété, principes qui ne sauraient d'ailleurs être séparés d'une technique juridique assez compliquée.

II. - Exercice des droits.

63. Le droit civil est arrivé à classer les droits privés d'après l'étendue des prérogatives conférées au titulaire du droit. La grande distinction est celle des droits réels et personnels, basée sur l'opposabilité absolue ou relative du droit. D'autre part, dans les droits réels, les juristes ont précisé la nature du droit par l'étendue exacte des prérogatives conférées au titulaire et distingué la propriété, l'usu-fruit, la servitude. Ces règles techniques sont dictées par la nécessité de déterminer exactement le contenu du droit. La logique impose d'ailleurs des divisions. Elles sont si exactes que le droit des gens se sert des mêmes expressions que le droit civil. C'est ainsi que la Cour permanente de Justice, dans son arrêt nº 13 (Usine de Chorzòw), obligée d'examiner quelle était la nature du droit de créance garanti par les actions d'une société possédant des usines en Haute-Silésie polonaise, déclare : « Ce ne sont que des droits sur les actions, lesquels, si on ne veut pas les considérer comme situés là où se trouvent les actions, doivent être regardés comme étant localisés au siège de la société. »

[...]

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III. - Transmission des droits.

67. Le droit privé a connu l'intransmissibilité du rapport juridique. La personnalité des sujets de droit est considérée par les législations primitives comme tellement importante qu'elles ne conçoivent pas une cession du rapport. Il faut le modifier pour le transmettre, et c'est la novation. Peu à peu s'est développée cette règle que le rapport juridique peut être transmis. La cession de créance existe dans toutes les législations. Le doute demeure, sur la cession de dette, la personnalité du débiteur étant plus importante que celle du créancier4.

Dans le droit des gens, le rapport juridique est en général 639 intransmissible, car il est créé intuitu personae. Cette intransmissibilité est conforme au principe de droit commun que les droits de caractère purement personnel ne peuvent être cédés.

Quand le rapport a un caractère patrimonial, les règles du droit privé sur la cession des droits deviennent pleinement applicables. La cession de la créance exige un accord de volontés entre le cédant et le cessionnaire, le droit se trouve transmis par la volonté des parties. IL ne faut pas confondre les formes techniques de la cession qui dépendent de la forme du titre avec le principe de la transmission solo consensu. La Cour permanente d'Arbitrage, dans l'affaire de l'Orinoco, décide : « Le défaut de notification préalable de la cession d'une créance n'est que l'inobservation d'une prescription locale, et bien que pareille prescription se trouve aussi dans d'autres législations, elle ne peut être considérée comme exigée par l'équité absolue (termes du compromis), au moins lorsqu'en fait le débiteur a eu connaissance de la cession et qu'il n'a pas plus payé sa dette au cédant qu'au cessionnaire. »1

68. La grande règle, dans toute cession de droit, c'est que le cessionnaire n'a pas plus de droits que le cédant. Dans le cas où il en est autrement, c'est qu'il y a eu renouvellement du droit par novation ou délégation. Cette règle de logique que dans la succession au droit le droit de l'avant cause est semblable au droit de l'auteur, s'est trouvée affirmée par des principes traditionnels : Nemo dat quod non habet; nemo plus juris transferre potest quant ipse habet. Ces principes sont sanctionnés par le droit international comme par le droit interne. La Cour permanente d'Arbitrage en a rappelé plusieurs fois l'application. Dans l'affaire de la souveraineté sur l'Ile de Palmas, elle dit : « IL est évident que l'Espagne ne pouvait transférer plus de droits qu'elle n'en possédait elle-même »2 ; dans l'affaire relative à la réclamation Canevaro, elle dit : « L'ayant cause n'a pas plus de droit que son auteur. »3

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69. La succession aux dettes est admise en droit privé quand une personne recueille tout un patrimoine, le passif doit être payé sur l'actif. Cette question a en droit international une importance considérable. L'Etat successeur doit-il payer une partie des dettes de l'Etat auquel il succède ?1 Je ne crois pas que les principes du droit civil puissent donner grande ressource pour la solution de cette question. On ne peut, en effet, comparer les successions de souveraineté entre les Etats aux successions de patrimoine entre les particuliers. C'est dans les conventions internationales ou dans la coutume que l'on peut trouver des solutions ; il n'y a pas sur ce point de principe général commun aux nations civilisées.

IV. - Extinction des droits.

70. Il est très généralement admis que les obligations sont éteintes dans trois séries de cas : 1º quand le créancier a reçu satisfaction, soit directement par le paiement, soit indirectement par la compensation ; 2º quand le débiteur se trouve dans l'impossibilité de donner satisfaction au créancier par suite de la force majeure ; 3º quand le créancier a laissé passer un long temps sans réclamer son droit : c'est la prescription extinctive.

Il faut considérer en droit international ces trois causes d'extinction des obligations.

71. Il y a satisfaction du créancier par paiement, quand l'obligation est exécutée par le débiteur. Quand il s'agit d'obligations de somme d'argent, le débiteur remet au créancier une quantité de monnaie ayant cours légal pour le montant de la valeur nominale de la créance. Ces règles sur le paiement, admises partout en droit civil, sont applicables en droit international. Il faut en particulier faire application de la règle que le paiement doit se faire dans la monnaie promise au contrat et que, s'il est fait dans un lieu, il faudra tenir compte du change (art. 244 C. civ. allemand). La Cour permanente d'Arbitrage, dans un arrêt relatif à un 641 paiement en dollars d'argent ayant cours au Mexique1, et la Cour permanente de Justice internationale, dans son arrêt 24 relatif aux emprunts serbes, ont fait application des règles du droit civil sur le paiement des créances.

D'autre part, en cas de retard dans le paiement, il est admis partout que, le débiteur doit au créancier des intérêts moratoires depuis le jour de la mise en demeure. La Cour permanente d'Arbitrage a maintes fois condamné les débiteurs à payer les intérêts moratoires (supra, nº 55) et, conformément aux règles du droit civil, a repoussé la capitalisation des intérêts qui était demandée2.

72. La compensation est un procédé indirect de paiement. C'est une opération de simplification qui aboutit d'ailleurs à donner une sûreté indirecte à celui qui est à la fois créancier et débiteur. Elle évite le dol qu'il y aurait à exiger et ne point payer. Puisque cette compensation, admise dès le droit romain, est aujourd'hui reconnus dans toutes les législations, il faut l'appliquer dans les rapports internationaux3. Les motifs de justice et d'utilité pratique qui l'imposent pour les rapports entre particuliers l'imposent également pour las rapports entre Etats. Dans ses arrêts 13 et 17 relatifs à l'Usine de Chorzòw, la Cour permanente de Justice a refusé d'examiner la question de compensation, parce que cette question ne lui était pas posée, mais elle a réservé le point de savoir si le droit international admet la compensation des créances. Dans son avis consultatif du 8 mars 19324, sur l'interprétation de l'accord gréco-bulgare du 9 décembre 1927, la question lui avait été posée de savoir s'il pouvait y avoir compensation entre la dette bulgare au titre des réparations et la dette grecque au titre des dépenses d'émigration. La Cour a refusé d'examiner cette question parce qu'elle ne pouvait lui être soumise en l'espèce, mais elle a bien semblé admettre que si la question avait été portée 642 devant elle, il y aurait eu lieu d'appliquer le principe de la compensation.

73. Dans tous les pays, la force majeure est considérée comme libérant le débiteur de son obligation : Impossibilium nulla obligatio. L'impossibilité doit être absolue ; si elle était simplement relative à la personne du débiteur, il n'y aurait certainement pas libération.

Le principe que l'impossibilité d'exécution libère le débiteur doit être appliqué dans le droit des gens1. Il faut simplement observer que l'obligation étant nécessairement personnelle à un Etat déterminé, le caractère de l'impossibilité sera plus relatif qu'en droit privé. Dans son arrêt relatif aux emprunts serbes2, la Cour permanente de Justice a repoussé le moyen tiré de l'impossibilité d'exécution tenant à ce que l'on n'aurait pas pu se procurer de la monnaie d'or pour le paiement. Mais c'est là un motif incident de l'arrêt. On pourrait trouver dans les décisions de la Cour permanente d'Arbitrage des allusions assez nettes à la force majeure libératoire3.

74. Enfin la prescription est, en droit privé, une cause d'extinction des créances. L'inaction du créancier démontre le peu d'intérêt qu'il porte à son droit ; au bout d'un certain temps la preuve devient incertaine, le débiteur de bonne foi peut se croire libéré. Sans doute, la prescription est une libération sans sacrifice ; en ce sens elle peut sembler contraire à la justice absolue. Mais elle répond au désir d'oubli de l'humanité et se justifie par des considérations pratiques. La technique juridique a précisé les délais de la prescription, les cas de suspension et d'interruption. Ces règles techniques diffèrent suivant les pays, mais il est admis partout que les actions sont impossibles au bout d'un certain temps.

Le principe est difficile à appliquer quand il est séparé de son armature technique. Il n'y a pas en droit international de délai de prescription qui serait fixé par la coutume. On peut dès lors se demander si le juge international 643 a le droit de déclarer qu'au bout d'un certain temps un droit est éteint. La Cour permanente d'Arbitrage, dans l'affaire des fonds pieux de Californie, a cru pouvoir décider que : « Les règles de la prescription étant exclusivement du domaine du droit civil ne sauraient être appliquées au présent conflit entre deux Etats en litige. »1

Je crois pourtant que le droit international est obligé, lui aussi, de faire appel à l'idée de prescription. Cette prescription était qualifiée par les anciens jurisconsultes de patronne du genre humain. Elle répond à la nécessité absolue où l'on se trouve de ne pas remonter indéfiniment dans le passé pour régler les rapports entre les hommes, elle repose sur des idées tellement profondes qu'aucun pays ne peut se passer, dans l'organisation des rapports juridiques entre les hommes, de cette notion de la disparition des droits par le temps. Pas davantage dans la société des Etats, on ne saurait faire abstraction de cette grande loi d'oubli.

L'Institut de Droit international, dans sa session de La Haye de 1925, au rapport de MM. Politis et de Visscher2, a étudié la question de la prescription extinctive et il a décidé : « Des considérations pratiques d'ordre, de stabilité et de paix, depuis longtemps retenues par la jurisprudence arbitrale, doivent faire ranger la prescription libératoire des obligations entre Etats parmi les principes généraux du droit reconnus par les nations civilisées, dont, aux termes de l'article 38, paragraphe 3, de son Statut, la Cour permanente de Justice est appelée à faire application. »3 Nous avons là un exemple particulièrement frappant de la nécessité où se trouve le droit international, à défaut d'une coutume nettement établie, de chercher la solution des différends dans les principes généraux du droit civil.

75. Ainsi, dans cette vie des droits, le droit international, qui a devant lui un modèle d'organisation juridique, ne saurait progresser qu'en s'emparant de ce modèle.

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Le sens des termes est fixé, la technique est établie depuis le droit romain ; termes et technique ont été utilisés dans le droit des gens, et cette utilisation n'a pas été sans quelque cause de confusion. Ce qui est important, ce n'est pas l'organisation technique elle-même, c'est que cette organisation est destinée à mettre en œuvre un principe supérieur du droit civil : le respect des droits. Or c'est là un principe fondamental de la vie en société, sans l'observation duquel il ne peut y avoir qu'injustice et désordre. Ce principe est donc applicable à la société des Etats comme à la société des personnes privées. Les juridictions internationales ont eu déjà et auront encore bien souvent l'occasion de l'appliquer.

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CHAPITRE V - LA PREUVE ET L'INTERPRÉTATION

76. Les règles de preuve et d'interprétation jouent, en pratique, un rôle capital. C'est qu'en effet l'exercice des droits en suppose la preuve, et la preuve constitue, suivant le mot d'Ihering, la rançon des droits. Un adage traditionnel dit : Idem est non esse aut non probari. Il ne s'agit pas ici de l'administration des preuves, établie par la procédure civile suivant des règles techniques propres à chaque législation, mais bien de la question d'admissibilité de la preuve qui touche au fond même du droit civil, puisqu'il s'agit de faire connaître au juge la vérité et d'entraîner sa conviction.

Il y a deux conceptions possibles de la preuve des actes juridiques. La première consiste à admettre la liberté absolue des preuves pour que le juge puisse former sa conviction par tous les moyens ; c'est le procédé qui tolère le moins d'injustices particulières, en relevant le titulaire du droit contre les erreurs, les omissions et les pertes des titres. La deuxième conception est l'établissement d'un système légal de preuves que les parties préconstituent, en vue d'éviter les contestations futures, ce qui peut, dans certains cas, entraîner une injustice pour le titulaire d'un droit qui ne parvient pas à faire la preuve légale, mais ce qui prévient et supprime les incertitudes dans la preuve des droits.

Bien qu'il n'y ait pas de principe commun sur le système de la preuve par intime conviction ou le système des preuves légales, toutes les législations civiles s'accordent sur ce point que le droit doit établir une technique destinée à permettre la justification des droits devant le juge, et sur ces règles générales des considérations de justice et de logique ont imposé, dans la plupart des pays civilisés, des solutions semblables. Quand la juridiction internationale est saisie 646 d'un litige, elle ne peut faire abstraction de ces règles fondamentales du droit civil, puisque la juridiction internationale, elle aussi, ne cherche qu'à connaître la vérité des faits qui lui sont soumis ou la certitude des actes qui lui sont déférés.

C'est ce que nous allons voir pour certains principes particuliers en matière de preuve et d'interprétation.

I. - La charge de la preuve.

77. Il est un premier principe indiscuté de toutes les législations, c'est celui d'après lequel le fardeau de la preuve pèse sur le demandeur : onus probandi incumbit actori. Ce n'est pas d'ailleurs parce qu'il est demandeur au procès que la charge pèse sur lui, c'est parce qu'il allègue l'existence d'un droit ou d'un fait. Quand le défendeur, à son tour, a une allégation à démontrer, il doit la preuve : Reus in exceptione fit actor. Et les deux propositions se résument dans une seule : Onus probandi incumbit ei qui dicit.

Le demandeur doit établir l'acte ou le fait d'où résulte le rapport juridique, parce que la loi ne peut pas présumer l'existence d'un tel rapport. En établissant la source du droit, on prouve le droit lui-même. Ce principe peut sans doute comporter des exceptions, on dit alors qu'il y a présomption légale, encore, comme l'a démontré M. Bartin, que la présomption légale constitue plutôt un déplacement de la preuve. Ces présomptions ont un caractère exceptionnel, puisqu'elles sont contraires à l'adage de droit commun, elles ne peuvent faire oublier le principe général. Ce principe est admis partout, il a été proclamé expressément par certaines législations. C'est ainsi que le Code civil suisse (art. 8), dit : « Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver le fait qu'elle allègue pour en déduire son droit. »

Le principe que le fardeau de la preuve incombe au demandeur est admis sans hésitation devant les juridictions internationales. Il repose sur des idées de justice et de logique qui n'ont jamais été discutées. La Cour permanente de Justice, 647 dans son arrêt nº 7, du 25 août 1925, sur les intérêts allemands en Haute-Silésie, déclare, à propos d'un abus invoqué dans un transfert de droit : « Un tel abus ne se présume pas, mais il incombe à celui qui l'allègue de fournir la preuve de son allégation. »

78. La règle de l'interprétation restrictive dérive de ce principe. Quand la preuve n'est pas complète, le droit est restreint à la preuve faite. Ce n'est pas seulement parce que le droit est contraire à la liberté naturelle de l'homme, ou plus spécialement que certains droits sont contraires à la souveraineté du propriétaire, c'est tout simplement parce que le fardeau de la preuve incombant à celui qui allègue le fait, la preuve n'étant pas faite, la réclamation n'est point justifiée. Sans doute l'analogie permet l'extension, mais le raisonnement par analogie n'est pas possible ici parce que la preuve de tel acte ou de tel droit ne saurait faire présumer l'existence d'un autre acte ou d'un autre droit.

Les juridictions internationales ont fait de fréquentes applications de cette idée. Elles l'ont fait d'autant plus volontiers qu'il y a là une règle de prudence dans la pratique judiciaire et qu'elles sont toujours prudentes dans l'affirmation des droits. Elles déclarent bien souvent qu'il faut se prononcer in favorem libertatis, ou encore qu'il faut juger contra proferentem. Dans son arrêt nº 1 (Wimbledon), la question étant posée de savoir s'il y a servitude internationale, le juge Schücking déclare que toute servitude est d'interprétation restrictive. Dans l'arrêt nº 5 (Mavrommatis), « La Cour estime qu'il incombe à la partie défenderesse de prouver la non-validité des concessions », parce que, la preuve de la concession étant faite, le défendeur devient demandeur sur l'exception de nullité1.

79. Le principe que la charge de la preuve incombe au demandeur est complété, dans les législations nationales, par l'admission ou l'interdiction de certains moyens de preuve. Dans un grand nombre de pays, la preuve écrite est, par exemple, exigée au-dessus d'une certaine somme en litige.

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Ces règles sont de pure technique ; elles ont comme conséquence la préconstitution nécessaire des preuves et sont par là apparentées aux règles de forme. Les juridictions internationales n'ont pas à considérer les exigences des lois internes sur la préconstitution de la preuve. Ce serait reconnaître à la loi interne la valeur d'une norme obligatoire. La Cour permanente de Justice, dans son arrêt nº 7, déclare qu'elle a « toute liberté pour apprécier les allégations faites par les parties »1.

Toutefois, il reste sur ce point un doute assez grand qui provient du fait que la juridiction internationale peut avoir à connaître de l'existence d'un acte qui aurait dû être régulièrement fait suivant la loi compétente. C'est ainsi que, dans son arrêt nº 23, la Cour permanente a pu déclarer que, « dans une affaire déterminée, il ne saurait être tenu compte d'éléments de preuve qui ne sont pas admissibles au regard de certaines parties en cause. »2

II. - L'interprétation des actes

80. Devant les juridictions internes, le demandeur n'a pas à établir les règles de droit applicables. Le juge doit connaître la loi, et s'il est bon en fait de lui en rappeler l'existence, ou même de la lui expliquer, il n'y a pas sur ce point d'exigence légale. Devant le juge. international, la question est plus complexe. Il n'y a pas, en effet, de règle de droit fixée par l'autorité supérieure dont le juge dépende. Il faudra donc établir l'existence de règles qui donnent compétence au juge et de règles que le juge doit appliquer. Il y aura, par conséquent, souvent lieu à discuter le compromis d'arbitrage, ou la convention internationale.

En tout cas, dès qu'un contrat est soumis au juge, il y a lieu à interprétation, et la règle existe tout aussi bien devant la juridiction internationale que devant les juridictions 649 internes1. Parfois, pour éviter tout doute d'interprétation, l'autorité qui a édicté la règle l'interprète elle-même, il y a alors interprétation authentique. Par exemple, il peut exister une loi interprétative, ou pour une convention internationale une interprétation par une nouvelle convention. Cette interprétation authentique, émanant de l'autorité qui a donné la règle ou des parties qui ont accompli l'acte, s'impose au juge2.

En ce qui concerne les actes juridiques, le droit civil connaît des règles d'interprétation des actes qui, dans le Code français, sont édictées à propos de l'interprétation des contrats, mais qui valent pour tous les actes juridiques. On a soutenu qu'il y a là de simples indications données par le législateur au juge et que ce sont, non des règles de droit, mais des conseils de logique. Cette opinion ne nous paraît pas exacte, car le juge n'a pas toute liberté d'interprétation. La Cour de cassation exerce son contrôle sur l'interprétation des actes juridiques et casse les décisions qui, sous prétexte d'interprétation, dénaturent les actes à appliquer. Le problème de l'interprétation suppose, en effet, une certaine conception de la force contractuelle ou du droit pour le juge de ne pas respecter l'acte juridique. On peut, sous prétexte d'interprétation, réviser le contrat. La loi française s'y oppose et ne donne au juge que le droit strict d'interpréter le texte.

81. La première règle à suivre c'est le respect du texte3. La déclaration de la volonté interne est le fait social dont le droit tient compte pour assurer la force juridique à l'accord des volontés. Si cette déclaration est d'une netteté absolue, il n'est point permis de soutenir que la volonté réelle des parties est contraire, car chaque partie s'est fiée à la 650 déclaration de l'autre. C'est pour cette raison qu'existe en droit civil ce principe que le juge n'a pas à interpréter quand une clause est claire et précise. La Cour de cassation, en France, casse dans ce cas la décision du juge du fond qui aurait refusé d'appliquer la clause.

Ce principe est applicable en droit international, et cela pour les raisons suivantes. En premier lieu, les Etats étant les sujets de droit, la volonté des Etats ne peut se manifester que par la volonté des personnes physiques qui représentent la volonté de la personne morale, et si on cherchait une volonté interne différente de la volonté déclarée, on serait conduit à dire que l'organe n'a pas exprimé la volonté de la personne morale, ce que le juge international n'a peut-être pas le droit de dire. En second lieu, la déclaration de volonté des Etats se fait dans une forme rituelle, qui exclut toute opposition possible entre la volonté déclarée et la volonté réelle. Enfin, chaque Etat se fie à la déclaration faite par l'autre Etat, sans pouvoir vérifier si cette déclaration est conforme à la volonté de l'Etat, et, plus encore que pour les rapports entre personnes privées, cette confiance réciproque nécessaire impose le respect de la volonté déclarée.

Il faut transporter dans le droit international cette règle fondamentale du droit civil qu'il n'y a pas lieu à interprétation en face d'une volonté claire et précise. La Cour permanente de Justice a rappelé plusieurs fois ce principe. Elle l'a appliqué dans son arrêt du 12 septembre 1924 (Traité de Neuilly)1. Elle a dit dans son Ordonnance du 6 décembre 1930 (Zones franches) : « En présence d'un texte parfaitement net, la Cour ne peut que l'appliquer tel qu'il est, même si les résultats qui s'ensuivent dans cette espèce semblent peu satisfaisants. »2 Elle a dit encore : « Le devoir de la Cour est nettement tracé : placée en présence d'un texte dont la clarté ne laisse rien à désirer, elle est tenue de l'appliquer tel qu'il est, sans qu'elle ait à se demander si d'autres dispositions auraient pu lui être ajoutées ou substituées avec avantage. »3

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Il n'en serait autrement que s'il y avait une erreur de texte, erreur telle que le mot écrit ne correspondrait certainement pas à la pensée de celui qui l'a écrit. On en trouvera un exemple dans un arrêt rendu par la Cour permanente d'Arbitrage1.

Il se peut, d'autre part, qu'il y ait plusieurs textes et divergence entre ces textes. Il faut alors déterminer quel est le texte qui fait foi. La convention le décidera le plus souvent. A défaut, il sera prudent d'adopter l'interprétation la plus restrictive2.

82. Quand le texte n'est pas d'une parfaite clarté ou qu'il est susceptible d'interprétations différentes, un principe général est qu'il doit être interprété d'après la commune intention des parties. Ce principe tire sa valeur de la force contractuelle. Si l'interprétation littérale l'emporte, ce n'est pas que la lettre doive vaincre l'esprit du texte, c'est que la lettre est censée représenter l'esprit. Si donc la lettre est muette ou incertaine, c'est à l'esprit du texte qu'il faut se reporter (art. 1156 C. civ. français, 133 C. civ. allemand, 18 C. civ. suisse).

La force du contrat étant reconnue en droit international comme en droit interne, le principe de l'interprétation des actes d'après la commune intention des parties doit s'appliquer également devant la juridiction internationale. Dans son arrêt nº 2, du 30 août 1924 (Mavrommatis), la Cour permanente de Justice déclare adopter l'interprétation restrictive « qui correspond à la commune intention des Parties ». Dans son arrêt nº 14 du 12 juillet 1929, relatif aux emprunts serbes, la Cour décide que « traiter la clause-or comme si elle indiquait une pure modalité de paiement sans référence à un étalon de valeur or serait non pas l'interpréter, mais la détruire. » Et elle recherche d'après la commune intention des Parties quel peut être le sens de l'expression franc-or3.

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83. Ici se rencontre une difficulté : le juge peut-il rechercher l'intention des Parties dans les travaux préparatoires d'une convention internationale ?1 On le fait souvent : par exemple pour déterminer la portée de l'article 38, paragraphe 3, du Statut de la Cour permanente, nous avons fait appel aux travaux de la Commission des Dix. Mais il est dans certains pays, notamment en Angleterre, une opinion bien établie que les traités, pas plus que les lois, ne peuvent être interprétés d'après les travaux préparatoires. Ce principe a été rappelé devant la Cour permanente de Justice2.

Y a-t-il donc sur ce point opposition de principe dans le droit des nations civilisées ? Nous ne le croyons pas. La règle que les travaux préparatoires n'ont aucune valeur pour l'interprétation des lois vient tout simplement de ce que l'autorité qui prépare la loi n'est pas exactement celle qui la vote, de sorte que l'on n'a aucune certitude que la volonté déclarée soit conforme à la préparation du texte. Cette raison est valable pour l'interprétation des traités. Il n'y a aucune certitude que les opinions exprimées dans les travaux préparatoires représentent la volonté de la personne morale quand elle signe le traité. Mais il peut en être autrement, et quand le juge a la conviction que la déclaration de volonté a bien été faite pour répondre à l'opinion précédemment indiquée, il a bien le droit de retenir les travaux préparatoires comme preuve de la commune intention des Parties.

La Cour permanente de Justice a manifesté sur ce point des hésitations qui peuvent s'expliquer par l'incertitude des opinions doctrinales. C'est ainsi que, dans son arrêt nº 40, elle déclare : « La Cour doit rappeler dans cet ordre tout ce qu'elle a dit dans certains de ses arrêts et avis précédents, savoir qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des travaux préparatoires si le texte d'une convention est en lui-même suffisamment clair. »3 D'où l'on peut conclure que, si le texte 653 n'est pas clair, la Cour n'hésitera pas à se servir des travaux préparatoires. Elle l'a fait quelquefois.

84. Il n'y a pas de doute, au contraire, que le mode d'exécution d'une convention peut servir à en fixer l'interprétation. L'exécution de la convention suppose un acte volontaire de la part des Parties qui précisent dans l'exécution l'intention qu'elles ont eue en contractant1.

85. Quand il est impossible de dégager la commune intention des Parties, il existe dans le droit un certain nombre de règles qui sont adoptées comme répondant aux nécessités logiques. Ces règles d'interprétation données dans les textes légaux doivent être appliquées devant les juridictions internationales. Rivière écrit : « Les principes de l'interprétation des traités sont en somme, et mutatis mutandis, ceux de l'interprétation des conventions entre particuliers, principes de bons sens et d'expérience. »2 La Cour permanente de Justice, dans son arrêt du 12 septembre 1929, dit : « Les traités doivent s'interpréter suivant les règles du droit sur l'interprétation des conventions entre les particuliers. »

Voici quelques exemples de ces règles d'interprétation :

86. L'interprétation doit se faire en faveur du débiteur et contre le créancier. Cette règle, donnée par l'article 116 du Code civil français, repose sur une double idée. La première, c'est que le fardeau de la preuve incombe au demandeur, donc au créancier. La Cour permanente, dans son arrêt du 12 juillet 1929, dit : « C'est une règle bien connue de l'interprétation des actes que là où on constate une ambiguïté, il faut la prendre contra proferentem. »3

On donne quelquefois une deuxième raison : c'est que le rapport de droit restreint la liberté et la souveraineté et qu'une telle restriction ne peut se présumer : in dubio pro libertate. La Cour permanente de Justice dit : « Les limitations de l'indépendance des Etats ne se présument pas. »4 Ou 654 encore : « Dans le doute, une limitation de souveraineté doit être interprétée restrictivement. »1 Elle le fait d'ailleurs avec beaucoup de prudence.

87. Les clauses spéciales l'emportent sur les clauses générales. C'est la traduction des adages : Specialia generalibus derogant, ou encore : In toto jure genus per speciem derogatur. Cette règle repose sur cette idée que la volonté des Parties a été attirée sur la clause spéciale bien plus que sur la générale et que, par conséquent, c'est la clause spéciale qui représente leur intention et non l'autre. La Cour permanente de Justice, dans son arrêt 14, dit : « Conformément au principe élémentaire d'interprétation, les expressions spéciales l'emportent sur les expressions générales. »2

88. Les clauses susceptibles de deux sens doivent être prises dans le sens qui convient à la matière du contrat. Ce principe, qui dérive également de l'interprétation de la volonté probable des Parties, est affirmé dans l'article 1458 du Code civil français. Il en a été fait une application remarquable dans l'arrêt de la Cour permanente du 12 juillet 1929, relatif aux emprunts serbes. La Cour avait à interpréter la clause de paiement en francs-or, qui était susceptible de deux sens différents, et elle dit : « Il ne s'agit pas de ce que les Parties ont effectivement prévu ou pu prévoir, mais des moyens qu'elles ont choisis pour se protéger. » La protection des contractants consiste évidemment dans la stipulation d'une garantie de change. Et la Cour ajoute : « Le titre doit être pris comme un tout, et ce n'est pas le prendre ainsi que de mettre à l'écart la disposition visant le franc. »3 Dans un autre arrêt, la Cour permanente écrit : « C'est un principe fondamental d'interprétation que les mots doivent être interprétés selon le sens qu'ils auraient normalement dans leur contexte, à moins que l'interprétation ainsi donnée ne conduise à des résultats déraisonnables ou absurdes. »4 655 Dans un arrêt de la Cour permanente d'Arbitrage1, nous relevons ce passage : « Les conventions entre Etats comme entre particuliers doivent être interprétées plutôt dans le sens avec lequel elles peuvent avoir quelque effet que dans le sens avec lequel elles n'en pourraient produire aucun. » C'est la reproduction presque textuelle d'un texte du Code civil français (art. 1157).

89. Les termes employés doivent être interprétés d'après l'usage et le sens usuel des mots. Les juridictions internationales se trouvent en présence d'une langue juridique déjà formée et principalement formée par le droit civil interne. A chaque instant elles ont à se prononcer sur le sens des expressions juridiques, et elles sont bien alors obligées de prendre ces expressions juridiques dans le sens qui a été déterminé depuis longtemps par le droit commun. Nous pourrions en citer maints exemples2. Nous nous contentons de prendre celui qui se trouve dans l'arrêt nº 7 : « Le trait caractéristique du domicile est le fait qu'au point de vue juridique une personne est rattachée à un endroit déterminé. Cet endroit est normalement, cela résulte du terme domicile même, le foyer, la maison habitée par la personne... Il est possible d'avoir plus d'un domicile, mais il est exclu que le même domicile soit en deux endroits, dans deux communes, voire dans deux Etats différents.»3 On voit ici la juridiction internationale obligée d'analyser une notion du droit civil commun et de donner de cette notion la définition même qui est admise dans ce droit civil.

90. Enfin la question a été bien souvent posée de savoir si l'on peut statuer par analogie4. L'analogie est un procédé 656 de raisonnement consistant à transporter l'application d'une règle juridique à un autre cas. La Cour permanente a eu plusieurs fois l'occasion de s'appuyer sur l'analogie1 et elle a même dit dans un de ses arrêts : « L'analogie a toujours été reconnue comme moyen de compléter les dispositions défectueuses. »2 Mais le procédé de raisonnement par analogie est beaucoup plus discutable et a soulevé maintes critiques. C'est une question qui a déjà été étudiée par les internationalistes3.

Pour la même raison, il faut se méfier de règles de raisonnement qui sont infiniment plus douteuses, par exemple des arguments a contrario4, a fortiori ou ab absurdo. Il s'agit ici d'ailleurs bien plus de la logique judiciaire que de règles juridiques de preuve ou d'interprétation.

[...]

659

[...]

CONCLUSION

95. La démonstration que nous voulions présenter est ainsi faite par la seule citation des décisions rendues par les juridictions internationales. Dans un très grand nombre de cas, et nous n'avons donné que des exemples, ces juridictions, et tout particulièrement la Cour permanente de Justice, ont appliqué des principes généraux qui, jusqu'ici, n'étaient reconnus que dans le droit civil interne des pays civilisés.

La discussion apparaît, en quelque sorte, inutile, en présence de cette nécessité où se trouvent les juridictions internationales d'avoir recours à ces principes. Le droit international est en formation. La coutume internationale ne contient pas de règles assez complètes et assez précises pour que le juge puisse résoudre toutes les difficultés qui lui sont soumises. Ce juge ne peut pourtant pas refuser de statuer. Comment, dès lors, se priverait-il des ressources que va lui donner l'application des règles admises dans le droit civil commun aux pays civilisés ?

Le droit international ne consiste pas seulement dans l'observation des traités. En dehors de cet ordre juridique conventionnel, il y a un ordre juridique commun. Ce n'est pas là affirmer l'existence d'un droit naturel qui serait différent du droit international positif, mais simplement reconnaître que, dans le droit international positif, existe, comme source créatrice de règles obligatoires, le droit commun législatif des pays civilisés. Cet ordre juridique commun est établi pour des raisons de justice et d'utilité qui ont autant, quelquefois plus, de valeur dans la société des Etats que dans la société des hommes. Ces principes ont été dégagés depuis longtemps par la sagesse humaine, ils sont mis en œuvre dans chaque pays par une technique particulière, mais, sous les règles techniques qui les recouvrent, il n'est point difficile de les retrouver.

660

Le droit international créera, lui aussi, sa technique. Déjà la Cour permanente de Justice a la sienne et, peu à peu, la coutume internationale reconnaîtra des règles qui, basées sur les mêmes principes que ceux du droit civil commun, auront un caractère propre, dû à leur application dans la société internationale. Mais la différence technique ne fera pas oublier que les principes sont les mêmes. Ils ne sauraient, à la vérité, être différents, si l'on admet que, dans la société internationale comme dans la société des hommes, il faut faire respecter la justice et l'ordre.

Le progrès du droit international est lié à cette application par le juge des principes du droit. Elle est assurément difficile, car le juge international paraît alors créer la règle qui n'existe pas encore. Il y a une défiance contre cette œuvre créatrice et une prudence nécessaire de la part des juridictions internationales. Mais on peut voir quel est l'avenir réservé à la compétence et au pouvoir de ces juridictions si elles entreprennent délibérément de statuer, même dans le cas où la convention et la coutume sont muettes, pour imposer aux Etats qui comparaissent devant elles le respect de principes généralement admis. Faire appel à ces principes, c'est assurer le progrès indéfini du droit international.

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1Planiol, Ripert et Esmein, Traité pratique de droit civil français, t. VI; Comp. Duguit, Droit constitutionnel, 3e éd., t. I, nos 90 et suiv.
1Anzillotti, Traité .... p. 19. - Comp. Fauchille, Traité de droit international, t. I, 3e partie, p. 364; Ch. de Visscher, Contribution à l'étude des sources du droit international, loc. cit, 1933, p 398; Triepel, Droit international et droit interne (trad. Brunet), p. 80.
2Ch. de Visscher, op. et loc. cit., p. 400 et 402.
3Sur l'assimilation du traité au contrat, voir Lauterpacht, no 70, p. 156.
4Cour permanente de Justice, arrêt 14, série A, 20, p. 17.
1Voyez, pour les contrats passés dans les Indes orientales avec les chefs de tribus, Cour permanente d'Arbitrage, 1925, Recueil, XIX, p. 44 (Souveraineté de l'île de Palmas).
2Anzilotti, Traité..., p. 161.
1Anzilotti, Traité..., no 382.
2Anzilotti, ibid., nº 370.
3Arrêt du 25 mai 1926, série A, nº 7.
1Série AB, no 46. - Voir Scerni, op. cit., p. 106.
2M. Dreyfus disait : "Il paraît certain qu'on ne saurait poser en règle générale qu'un Etat stipulant pour un autre Etat assure à celui-ci, qui n'est pas partie su traité où figure la stipulation, un droit propre et irrévocable dont il pourrait exiger personnellement l'exécution, même si l'Etat stipulant déclarait libérer l'Etat débiteur de l'obligation qu'il lui avait imposée en faveur de l'Etat tiers." (P. 43) Et M. Nyholm disait aussi:  "La Suisse invoque enfin que la stipulation renfermerait pour elle une stipulation in favorem tertii. De telles stipulations ne sont pas admissibles entre Etats; c'est le principe de souveraineté qui s'y oppose; la stipulation in favorem tertii est, de par sa nature, une obligation civile." (P. 26)
1Anzilotti, Traité..., p. 343; Le Fur, Précis, nos 423 et suiv.
1Anzilotti, op. cit., p. 339.
2Voir Saleilles, La déclaration de volonté, 1901; Planiol, Ripert et Esmein, Traité pratique de droit civil, t. VI, no 102.
1C. civ. français, art.1156-1167; C. civ. italien, art. 1131; C. civ. allemand, art. 133; C. suisse des obligations, art. 18.
2C. civ. français, art. 1128; C. civ. allemand, art. 306; C. féd. suisse, art. 20.
1C. civ. français, art. 1133; C. civ. allemand, art. 138; C. féd. suisse, art. 20.
2La Fur, Précis, nº 431.
1Cour permanente d'arbitrage, XIX, p. 33.
1Contra, Scerni, op. cit., p. 81.
2Série B, 9, p. 21.
3Série A, 13, p. 25.
1G. Ripert, La règle morale, 2e éd., nos 79 et suiv.
1V. Cons. d'Etat, 30 mars 1916, S., 1916. 3. 17, dans l'affaire célèbre du Gaz de Bordeaux.
2Le Fur, Précis, nos 438-439. - Contra : Liszt, Traité, p. 185; Lauterpacht, op. cit., nº 75, p. 167.
1Le Fur, Précis, no 440.
2Voy. B, 4; p. 25; A, 22; p. 31, opinion de M. Negulesco.
1Anzilotti, Traité, p. 416.
1Voir l'arrêt nº 3 du 12 septembre 1924 de la Cour permanente de Justice sur l'interprétation de l'article 79 du traité de Neuilly.
1Dans ce cas, le dommage subi par l'Etat ne se ramène pas d'ailleurs à la somme des dommages subis par les particuliers. Voir l'arrêt nº 13 de la Cour permanente de Justice (Usine de Chorzòw).
2Anzilotti, Traité, nº 439.
3Voir Gidel, Droits et devoirs des nations; la théorie classique des droits fondamentaux des Etats, Recueil des cours de l'Académie de La Haye, 1923-V; Lord Phillimore, Droits et devoirs fondamentaux des Etats, ibid., t. I, p. 29 et suiv.; Pillet, Recherches sur les droits fondamentaux des Etats, Revue de droit int. public, 1898, p. 236 et suiv.
1Arrêt du 25 mai 1926, Série A, nº 17, p. 19.
2Arrêt du 26 mars 1925, Série A, nº 5.
3Planiol, Traité élémentaire, 11e éd., t. II, nº 871.
4Planiol, Ripert et Esmein, Traité pratique, t. VI, nos 573 et suiv.
1Politis, Le problème de la limitation de la souveraineté et la théorie de l'abus des droits dans les rapports internationaux, Recueil des cours de l'Académie de La Haye, 1925, t. 6, p. 77.
2Voir notamment les arrêts du 25 mai 1926, série A, 7, p. 30, et l'ordonnance du 6 décembre 1930, série A, 24, p. 12.
3Le Fur, Précis, nº 5, p. 631; Fauchille, Traité, t. I, 1re partie, p. 421; Ch. de Visscher, Les lois de la guerre et la théorie de la nécessité, Rev. gén. int. public, t. XXIV, p. 75.
4Anzilotti, Traité, nº 457.
1Recueil, XI, 96.
2Scerni, op. cit., p. 93.
1Jacques Dumas, La responsabilité des Etats à raison des crimes et délits commis sur le territoire au préjudice d'étrangers, Recueil des cours de l'Academie de La Haye, 1931-II, t. 36, p. 835; Decencière-Ferrandière, La responsabilité internationale des Etats à raison de dommages subis par les étrangers, thèse Paris, 1925; La criminalité collective des Etats, 1926, Strisower, Rapport à l'Institut de Droit international, 1927, t. I, p. 455.
2Contra: Anzilotti, Traité, nº 432.
3Comp. C. civ. allemand, art. 295, nº 251.
1Lauterpacht, nos 63 et suiv., p. 143.
2Recueil, XII, p. 126, et XIII, p. 117; Voy., ibid., XVIII, p. 125 (Réclamations norvégiennes).
3L'acte Général de la IXe Assemblée de la Société des Nations, art. 32, déclare que si la mesure ordonnée par le tribunal international est en opposition avec le droit interne ou si le droit constitutionnel de la partie ne permettait qu'imparfaitement d'effacer les conséquences de la mesure, « les parties conviennent qu'il devra être accordé par la sentence judiciaire ou arbitrale une satisfaction équitable ».
4Recueil, XI, p. 92.
1Scerni, op. cit., p. 82.
1Recueil de Lapradelle, II, p. 893. - Voir aussi Cour permanente d'Arbitrage, XVIII, 150 (Réclamations norvégiennes).
2Scerni, op. cit., p. 87; André Hauriou, Les dommages indirects dans les arbitrages internationaux, Revue générale de droit int. public, 1924, p. 205.*
1Recueil, XI, p. 98. - Voir Salvioli, Recueil des cours de l'Académie de La Haye, 1929-III, p. 278.
2Cette solution a été discutée.
1Le Fur, Précis, nº 677.
1Planiol, Traité élémentaire de droit civil, 11e éd., II, nº 160.
1G. Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, 2e éd., 1929.
1Comp. Scerni, op. cit., p. 78, qui voit dans la coutume un pacte tacite.
2Anzilotti, Traité, p. 393 et suiv.
1G. Ripert, La règle morale, nos 133 et suiv.
1Von Liszt, Traité de droit international (trad. Gidel), p. 105 et suiv.; Lauterpacht, op. cit., nos 77 et suiv., p. 91 et suiv.; Audinet. Répert. de droit international, vº Annexion, t. L, nos 4 et 15.
4Cette cession est admise dans le Code civil allemand, mais n'existe pas dans le droit français.
1Recueil, VIII, p. 58.
2Recueil, XIX, p. 16.
3Recueil, X, p. 19
1Sack, La succession aux dettes publiques d'Etat. Recueil des cours de La Haye, 1928, t. 16, p. 139; Lauterpacht, op. cit., nº 53, p. 125.
1Recueil, I, p. 109.
2Recueil, XVII, p. 17, et XVIII, p. 155.
3Scerni, op. cit, p. 95.
4Série A-B, 45.
1Scerni, op. cit., p. 103; Wolf, op. et loc. cit.
2Série A, p. 40.
3Recueil, XI, p. 96.
1Recueil, I, p, 109. En ce sens, Von Liszt, Droit international (trad. Gidel), p. 173.
2Annuaire 1925, p. 468
3Ibid., 1925, p. 3
1Série A, 5, p. 29.
1Série A, 7, p. 72.
2Série A, 23, p. 42.
1Ehrlich, L'interprétation des traités, Recueil des cours de La Haye, t. 24, p 76; Colette, Les principes du droit des gens dans la jurisprudence de la Cour permanente de Justice internationale, p. 83 et suiv.; Scerni, op. cit., p. 818; Derevitsky, op. cit., p. 387.
2La Cour permanente de Justice déclare : « Le droit d'interprétation authentique n'appartient qu'à celui qui a ce pouvoir de modifier ou de supprimer la règle. » (Série B, no 8, p. 37.) Voir Fauchille, Traité de droit international, I, 3e partie, p. 373.
3Ehrlich, L'interprétation des traités, Recueil des cours de La Haye, 1928-IV, p. 7. - Anzilotti, Traité, no 100, p. 108.
1Série A, nº 3.
2Série A, nº 24, p. 13.
3Série B, p. 20; Voir aussi Série B, p. 19, nº 20.
1Recueil, XV, p. 26 (nom inexactement donné à un fleuve).
2Cour permanente de Justice, 30 août 1924, Série A, nº 2, p. 19 (Mavrommatis).
3Série A, nº 9, p. 24.
1Voir Ehrlich, op. et loc. cit., p. 130.
2Avis de M. Hogg, Série C, nº 10, p. 22.
3Cour permanente d'Arbitrage, VII, p. 122; XI, p. 23. - Cour permanente de justice, série A, nº 12, p. 22.
1Série A, nº 10, p. 16. Voir aussi série A, nº 23, p. 13; série B, nº 14, p. 31. Avis 14 (Danube), p. 28; Avis 12 (Pétition de l'Irak), p. 22.
2Rivière, Principes du droit des gens, II, p. 156.
3Arrêt 15 (Emprunts brésiliens), série A, nº 28, p. 115
4Arrêt du 7 septembre 1927, série B, nº 10. Voir aussi série B, nº 11, p. 37
1Série A, nº 24, p. 12.
2Série A, nº 23, p. 26.
3Série A, nº 20, p. 30.
4Série B, nº 11, p. 35. Voir aussi série A, nº 3, p. 5; série A, nº 7, p. 48, série A, nº 22, p. 17.
1Recueil, XV, p. 28.
2Voici, dans l'ordre alphabétique, des exemples: Abornement, série B, 8. p. 47; Actes communs, A, 3, p. 8; Commencement d'exécution, A, 5,p. 47; Arbitrage, B, 16, p. 22; Communauté d'Orient, B, 17, p. 21; Commune, B 17, p. 25; Contrôle des sociétés B, 7, p. 68; Domicile, A, 7, p.79; B 10, p. 19; Droits civils, B, 6, p. 23; Entreprise, A, 6 p. 17; A. 7, p. 49; Établissement, B, 10, p. 23; Industrie, B, 2, p. 34; Ressortissante, A, 7, p. 74; Protégé, Recueil Cour d'Arbitrage, IV, p. 63.
3Série A, nº 7, p, 78
4Certains auteurs ont même voulu ramener à la question de l'analogie l'application des principes généraux du droit. Voir Verdross, Annuaire Institut de Droit international, 1932; comp. Ch. de Visscher, op. et loc. cit., p. 410.
1Recueil, XI, p.100.
2Recueil, IV, p. 64.
3Wolff, op. et loc. cit., p. 484; Scerni, op. cit., p. 28. Strupp.
4Recueil VII, p. 120. Voir aussi, VII, p. 121, sur la règle Expressio unius exclusio alterius.

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